Il
n y a plus de professeur !
Mon
cher professeur de lettres classiques est décédé aujourd'hui. Sans
aucun doute, il était le meilleur professeur que j'ai jamais eu. Il
m'a enseigné deux savoir-faire indispensables : comment faire
des analyses grammaticales des phrases en latin, c'est à dire,
comment discerner de l'ordre et de la signification dans un chaos
apparent et comment aborder l'interprétation des
civilisations anciennes.
La
clé de compréhension de la vision du monde d'Homère était,
insistait-il, d'oublier complètement toutes valeurs
chrétiennes. C'est là que j'ai appris le concept du contexte. Dans
ses cours sur Euripide, j'ai appris que ses tragédies étaient le
début de la psychologie.
N'est-ce
pas la véritable psychologie de l'éducation, celle du discours de
la science de l'âme qui recherche la vérité ? Dans mon
université, il y avait beaucoup de conférenciers prêts à tout
pour avoir du prestige et du pouvoir – bon nombre étaient hautains
et suffisants. Mais il y avait un seul professeur, et pendant ses
cours, on expérimentait quelque chose de rare dans l'éducation
moderne : l'émerveillement.
C'était
un homme calme et humble – bien trop conscient des absurdités de
la vie pour être orgueilleux. Y a-t-il encore des savants comme
lui ? Y aura-t-il encore quelqu'un pour lire des classiques
dans l'avenir ? Dans l'avenir, y aura-t-il des enseignants
qui viendront expliquer que pour comprendre la mentalité de notre
époque, on doit complètement mettre la raison entre parenthèse ? Y aura-t-il au moins quelque chose qui ressemble à un
professeur ?
Cicéron
a dit, Docendo discimus, on apprend en enseignant. Mais
qui veut encore apprendre ? Pour qu'un étudiant apprenne, il
doit être éveillé à l'émerveillement. Aujourd'hui, le régime
qu'on appelle éducation est fait pour avorter cet éveil – les
étudiants quittent les facultés mort-nés en ignorance. Dans
certains cours de grec et de latin, il y a peut-être deux ou trois
étudiants à peine. Personne n'étudie plus les lettres
classiques. Réfléchissons à cela un instant. Beaucoup de diplômés
qui vont quitter l'université de nos jours, sont incapables de lire
plus de mille ans de savoir. Une grande partie de la littérature
patristique de l'Église n'est pas traduite. Cela veut dire que bon
nombre de gens sont complètement ignorants de la plus importante
période de l'histoire humaine. On l'appelle « l'Âge sombre »
parce que nous n'avons pas la lumière pour la lire !
L'une
des calamités de notre temps est l'absence de subtilité dans le
raisonnement. Dans le grec ancien, les particules abondent. Ainsi,
bien des phrases expriment des notions d'équilibre et d'évaluation
des idées. Tout est « d'un côté ceci et « d'un autre
côté cela » - ou, men, gar, ti etc. - comme si la philosophie
était à l'origine du langage lui-même.
Aujourd'hui,
il n y a plus d'équilibre, plus de pondération, plus de réflexion
critique ; l'éducation est l'inculcation de « l'idée »
- et malheur à celui qui ne maîtrise pas l'idée !
Platon
exclurait les « poètes » de sa République ; parce
qu'ils emplissent les esprits de ses jeunes avec des fausses idées.
Est-ce la fonction de la culture aujourd'hui ? Socrate explique
qu'ils font des espaces dans les esprits des jeunes enfants, des
espaces de topoi. N'est-ce pas la fonction de l'éducation
aujourd'hui, faire des espaces dans les esprits de notre jeunesse,
des topoi vides ? L'université n'est-elle pas devenue une
topologie morbide, grotesque et ridicule ?
Article
source : https://www.gearoidocolmain.org/there-are-no-more-teachers/
Réflexions sur l'éducation
Je
suis un produit de l'éducation post « soixante-huitarde »
et je fais partie de la première génération de jeunes (nés autour
de cette date fatidique en France qu'on peut considérer comme
l'achèvement de 1789), entièrement façonnée par tout ce que
le monde politique, intellectuel, culturel, médiatique et
universitaire a imposé à l'époque.
On
peut considérer l'école française des années 1970 comme un lieu
où il y avait conflits entre les tenants de la tradition et les
dévots de ce qu'on a appelé la « nouvelle pédagogie »,
une caste qui a voulu tout reconsidérer en matière d'enseignement
et ces gens qu'on appelle désormais les « pédagogistes »
sont toujours au pouvoir au sein du Ministère de l'Éducation
nationale et semblent indéboulonnables.
Concrètement,
cela s'est traduit par un enseignement qui conservait encore une
certaine qualité – exigence au niveau de l'expression écrite par
exemple avec comme toile de fond, l'introduction, petit à petit, de
« réformes » probablement préparées dans les Loges. La
plus célèbre a été celle du « collège unique » en
1975. J'ai côtoyé des enseignants continuant à enseigner comme ils
l'avaient toujours fait, du moins avant 1968, et d'autres qui
s'étaient jetés à corps perdu dans les délires « pédagogistes »
mêlé de propagande. L'écologie en faisait déjà partie.
Le
système éducatif avait déjà un défaut, étant « laïque »,
il avait évacué tout ce qui est théologique, mais il était
néanmoins très bon et reconnu comme tel à l'étranger.
Avec
la « culture jeune », l'heure était à la frivolité.
Tout jeune qui aurait été passionné par exemple par la
philosophie, le latin ou du grec, ou tout autre sujet d'étude
d'ailleurs, étudié de manière approfondie sans se soucier des
modes, était vu comme un original, voire pire : un « ringard ».
Savoir situer correctement un pays sur une carte du monde et savoir
quel était sa capitale était aussi suspect. On avait certainement
du temps à perdre alors que le mot d'ordre des années 1980 était
« l'efficacité ».
C'est
ainsi qu'en cours de musique, je devais avoir 13 ou 14 ans, j'avais
adoré la musique russe, en particulier « Les steppes de l'Asie
Centrale » de Borodine mais je m'étais bien gardée de le dire
aux autres. La même chose se produisit, quelques années plus tard,
quand je me suis passionnée par « Madame Bovary » de
Gustave Flaubert. En fait, Emma lisait trop de « poètes » !
En
philosophie, je n'ai pas eu la chance d'avoir un professeur comme
John Barry. Au contraire, j'ai été confrontée à ce que 1968 avait
engendré de pire : une enseignante gauchiste névrosée. Dans
ses explications, il était quasiment toujours question de son fils
alors enfant. Il faut dire qu'elle nous a parlé ni des Grecs, ni de
la Scolastique médiévale, ni des Humanistes de la Renaissance, ni
même des Lumières. Elle avait mieux : Freud. Et elle prenait
son fils en exemple pour montrer le génie du grand maître.
J'étais
bien étonnée quand la professeur a annoncé son programme. Toute
ignorante que j'étais, je savais très bien que Freud n'avait rien à
voir avec la philosophie. Je l'associais avec la médecine. Je
l'associe dorénavant avec le mensonge. Il a été aussi question de
Kant qui m'ennuya beaucoup.
J'étais
déçue car je crois que j'imaginais ces penseurs Grecs, ces
gens que j'imaginais inspirés et intelligents et je fus déçue. Je
passais ensuite plusieurs décennies sans m'intéresser à la
philosophie. Je suis donc ressortie « mort-née »
intellectuellement de mes cours.
Je
suis aussi une « mort-née » en mathématiques. Mon
entrée à l'école primaire a coïncidé avec les « mathématiques
modernes » . Le patronyme des gens qui ont imposé ce type
d'enseignement des mathématiques me fait penser qu'on a eu droit à
l'époque à un attentat contre l'intelligence des enfants français.
En ce qui me concerne, les « ensembles »
m'ont particulièrement ennuyée et en mathématiques, je n'ai pas
réussi à dépasser le niveau de la division. Mes notions de
géométrie sont très limitées, j'ai eu aussi des grosses
difficultés avec les équations et les racines carrées et
finalement, au lycée j'ai sombré complètement. Il est possible que
tout cela avait été mis en place pour là aussi, saboter l'éveil à
l'analyse des élèves.
Je
pense aussi que saboter, et l'enseignement des mathématiques et
l'enseignement de la philosophie, a peut-être été voulu pour
s'assurer d'avoir une classe d'âge non-critique, malléable,
incapables de classer des informations et les relier entre elles,
envahie par ses émotions et prompte à s'emballer pour des
idéologies stupides type « anti-racisme ».
Il
y a environ 18/20 ans, j'ai lu « L'enseignement de
l'ignorance ». Ce petit essai avait été écrit par
Jean-Claude Michéa, qui était professeur de philosophie dans un
lycée. Il expliquait le sabotage de l'enseignement, son but et ses
conséquences. Il est possible que ce que je viens d'écrire ait été
influencé par ses idées. Il est socialiste, ce que je ne suis pas,
et il y a certaines contradictions dans ses analyses, mais je lui
dois de m'avoir aidé de me sortir de l'incompréhension du monde
dont j'ai été longtemps victime, en premier lieu de comprendre ce
qu'est la gauche " sociétale" et son rôle moteur dans le capitalisme.
Dans
son essai, il décrit le « crétin militant » : le
jeune qui est inscrit à l'université ou vient de finir ses études,
qui se croit plus intelligent que tout le monde mais qui est farci
d'idées fausses et s'investit dans des fausses causes. Avec vingt
ans d'avance, j'ai lu la description du militant de « Extinction
Rébellion » ou autres activistes « pour le climat »....
L'autre
« crétin » étant le jeune « prolétaire »
souvent d'origine immigré qui, ne pouvant exprimer une idée, même
simple, en vient à la violence.
Et
Michéa conclut : « au lien de se demander quel monde on
va laisser à nos enfants, on devrait se demander plutôt : à
quels enfants on va laisser le monde. »
Il
est possible que le mal soit encore plus profond. Parallèlement à
l'effondrement du système éducatif français, on a eu
l'effondrement du catholicisme. Comme je suis donc très peu formée
en philosophie, j'analyse par pure intuition et il est bien possible
qu'être privé de lien avec le surnaturel et à la transcendance est
une cause majeure de désintérêt envers le savoir et une barrière
à l'émerveillement. Par quoi peut bien être émerveillé un
athée ?
Les
« poètes » qui créent des espaces vides, des topoi vides dans les esprits des jeunes enfants, qui sont-ils ? Ces
poètes ne sont-ils pas là pour nous éloigner de Dieu ? En
tout cas, cette image des « espaces vides » m'ont fait
penser aux maladies neuro-dégénératives et en particulier à la
maladie d'Alzheimer. Le docteur André
Gernez pensait que l'athéisme et
la non pratique de la prière était un facteur d'apparition précoce
de la maladie d'Alzheimer et il est possible qu'à la fin des années
1960 et le bouleversement de la société à l'époque, le ver était
déjà dans le fruit, et que la pensée, le développement de
l'intelligence, la mémoire, la capacité critique et la capacité de
s'émerveiller étaient déjà sérieusement sapés par la
« laïcité ». La description par Alois Alzheimer de la
maladie qui portera son nom, la loi sur la laïcité et la mise en
place de l'école publique « laïque » sont tout de
même concomitants.
Et il est possible donc que les « poètes » de Platon
soient des démons.
Monsieur
John Barry n'est pas venu sur terre pour rien, du moins, pas pour
servir les démons. Il t'as apporté beaucoup et en retour, tu amènes
beaucoup aux autres. Cela rejoins aussi la notion chrétienne de la
charité. Que ce soit quelqu'un doit qui a beaucoup bénéficié de
la sagesse d'un bon professeur de philosophie ou quelqu'un qui a
conscience de ses lacunes comme moi mais qui veut progresser, ne
sommes-nous pas des « moyenâgeux » et des nostalgiques
de cet « âge sombre » dont on nous obstrue la lumière ?
Ma
tante, qui aurait eu 100 ans cette année, était une femme
extraordinaire. Elle était capable elle, d'étudier les textes des
« âges sombres » puisqu'elle avait étudié le latin, le
grec et l'occitan. Ayant grandi dans un contexte fort différent, je
n'ai pas ces connaissances-là et je suis restée longtemps
indifférente mais il est possible qu'elle m'ait légué à son décès
survenu en 2004, hormis des livres, l'envie de progresser. Merci d'y
contribuer.
Voir
aussi ici : https://www.gearoidocolmain.org/la-mort-de-leducation/