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mardi 10 mars 2020

La mort de l'éducation

 Gearóid Ó Colmáin a écrit un émouvant hommage à son ancien professeur de philosophie décédé récemment. En retour, il m'a inspiré une réflexion sur l'éducation ou plutôt sa mort programmée et Gearóid a eu la gentillesse de partager mon texte sur son site avec la traduction que j'ai faite de son article-hommage. Une collaboration littéraire que j'ai grandement apprécié !

Il n y a plus de professeur !

Mon cher professeur de lettres classiques est décédé aujourd'hui. Sans aucun doute, il était le meilleur professeur que j'ai jamais eu. Il m'a enseigné deux savoir-faire indispensables : comment faire des analyses grammaticales des phrases en latin, c'est à dire, comment discerner de l'ordre et de la signification dans un chaos apparent  et comment aborder l'interprétation des civilisations anciennes.

La clé de compréhension de la vision du monde d'Homère était, insistait-il, d'oublier complètement toutes valeurs chrétiennes. C'est là que j'ai appris le concept du contexte. Dans ses cours sur Euripide, j'ai appris que ses tragédies étaient le début de la psychologie.

N'est-ce pas la véritable psychologie de l'éducation, celle du discours de la science de l'âme qui recherche la vérité ? Dans mon université, il y avait beaucoup de conférenciers prêts à tout pour avoir du prestige et du pouvoir – bon nombre étaient hautains et suffisants. Mais il y avait un seul professeur, et pendant ses cours, on expérimentait quelque chose de rare dans l'éducation moderne : l'émerveillement.
C'était un homme calme et humble – bien trop conscient des absurdités de la vie pour être orgueilleux. Y a-t-il encore des savants comme lui ? Y aura-t-il encore quelqu'un pour lire des classiques dans l'avenir ? Dans l'avenir, y aura-t-il des enseignants qui viendront expliquer que pour comprendre la mentalité de notre époque, on doit complètement mettre la raison entre parenthèse ? Y aura-t-il au moins quelque chose qui ressemble à un professeur ?

Cicéron a dit, Docendo discimus, on apprend en enseignant. Mais qui veut encore apprendre ? Pour qu'un étudiant apprenne, il doit être éveillé à l'émerveillement. Aujourd'hui, le régime qu'on appelle éducation est fait pour avorter cet éveil – les étudiants quittent les facultés mort-nés en ignorance. Dans certains cours de grec et de latin, il y a peut-être deux ou trois étudiants à peine. Personne n'étudie plus les lettres classiques. Réfléchissons à cela un instant. Beaucoup de diplômés qui vont quitter l'université de nos jours, sont incapables de lire plus de mille ans de savoir. Une grande partie de la littérature patristique de l'Église n'est pas traduite. Cela veut dire que bon nombre de gens sont complètement ignorants de la plus importante période de l'histoire humaine. On l'appelle « l'Âge sombre » parce que nous n'avons pas la lumière pour la lire !

 L'une des calamités de notre temps est l'absence de subtilité dans le raisonnement. Dans le grec ancien, les particules abondent. Ainsi, bien des phrases expriment des notions d'équilibre et d'évaluation des idées. Tout est « d'un côté ceci et « d'un autre côté cela » - ou, men, gar, ti etc. - comme si la philosophie était à l'origine du langage lui-même.

Aujourd'hui, il n y a plus d'équilibre, plus de pondération, plus de réflexion critique ; l'éducation est l'inculcation de « l'idée » - et malheur à celui qui ne maîtrise pas l'idée !

Platon exclurait les « poètes » de sa République ; parce qu'ils emplissent les esprits de ses jeunes avec des fausses idées. Est-ce la fonction de la culture aujourd'hui ? Socrate explique qu'ils font des espaces dans les esprits des jeunes enfants, des espaces de topoi. N'est-ce pas la fonction de l'éducation aujourd'hui, faire des espaces dans les esprits de notre jeunesse, des topoi vides ? L'université n'est-elle pas devenue une topologie morbide, grotesque et ridicule ?




Réflexions sur l'éducation

Je suis un produit de l'éducation post « soixante-huitarde » et je fais partie de la première génération de jeunes (nés autour de cette date fatidique en France qu'on peut considérer comme l'achèvement de 1789), entièrement façonnée par tout ce que le monde politique, intellectuel, culturel, médiatique et universitaire a imposé à l'époque.

On peut considérer l'école française des années 1970 comme un lieu où il y avait conflits entre les tenants de la tradition et les dévots de ce qu'on a appelé la « nouvelle pédagogie », une caste qui a voulu tout reconsidérer en matière d'enseignement et ces gens qu'on appelle désormais les « pédagogistes » sont toujours au pouvoir au sein du Ministère de l'Éducation nationale et semblent indéboulonnables.

Concrètement, cela s'est traduit par un enseignement qui conservait encore une certaine qualité – exigence au niveau de l'expression écrite par exemple avec comme toile de fond, l'introduction, petit à petit, de « réformes » probablement préparées dans les Loges. La plus célèbre a été celle du « collège unique » en 1975. J'ai côtoyé des enseignants continuant à enseigner comme ils l'avaient toujours fait, du moins avant 1968, et d'autres qui s'étaient jetés à corps perdu dans les délires « pédagogistes » mêlé de propagande. L'écologie en faisait déjà partie.

Le système éducatif avait déjà un défaut, étant « laïque », il avait évacué tout ce qui est théologique, mais il était néanmoins très bon et reconnu comme tel à l'étranger.

Avec la « culture jeune », l'heure était à la frivolité. Tout jeune qui aurait été passionné par exemple par la philosophie, le latin ou du grec, ou tout autre sujet d'étude d'ailleurs, étudié de manière approfondie sans se soucier des modes, était vu comme un original, voire pire : un « ringard ». Savoir situer correctement un pays sur une carte du monde et savoir quel était sa capitale était aussi suspect. On avait certainement du temps à perdre alors que le mot d'ordre des années 1980 était « l'efficacité ».

C'est ainsi qu'en cours de musique, je devais avoir 13 ou 14 ans, j'avais adoré la musique russe, en particulier « Les steppes de l'Asie Centrale » de Borodine mais je m'étais bien gardée de le dire aux autres. La même chose se produisit, quelques années plus tard, quand je me suis passionnée par « Madame Bovary » de Gustave Flaubert. En fait, Emma lisait trop de « poètes » !

En philosophie, je n'ai pas eu la chance d'avoir un professeur comme John Barry. Au contraire, j'ai été confrontée à ce que 1968 avait engendré de pire : une enseignante gauchiste névrosée. Dans ses explications, il était quasiment toujours question de son fils alors enfant. Il faut dire qu'elle nous a parlé ni des Grecs, ni de la Scolastique médiévale, ni des Humanistes de la Renaissance, ni même des Lumières. Elle avait mieux : Freud. Et elle prenait son fils en exemple pour montrer le génie du grand maître.

J'étais bien étonnée quand la professeur a annoncé son programme. Toute ignorante que j'étais, je savais très bien que Freud n'avait rien à voir avec la philosophie. Je l'associais avec la médecine. Je l'associe dorénavant avec le mensonge. Il a été aussi question de Kant qui m'ennuya beaucoup.


J'étais déçue car je crois que j'imaginais ces penseurs Grecs, ces gens que j'imaginais inspirés et intelligents et je fus déçue. Je passais ensuite plusieurs décennies sans m'intéresser à la philosophie. Je suis donc ressortie « mort-née » intellectuellement de mes cours.

Je suis aussi une « mort-née » en mathématiques. Mon entrée à l'école primaire a coïncidé avec les « mathématiques modernes » . Le patronyme des gens qui ont imposé ce type d'enseignement des mathématiques me fait penser qu'on a eu droit à l'époque à un attentat contre l'intelligence des enfants français. En ce qui me concerne, les « ensembles » m'ont particulièrement ennuyée et en mathématiques, je n'ai pas réussi à dépasser le niveau de la division. Mes notions de géométrie sont très limitées, j'ai eu aussi des grosses difficultés avec les équations et les racines carrées et finalement, au lycée j'ai sombré complètement. Il est possible que tout cela avait été mis en place pour là aussi, saboter l'éveil à l'analyse des élèves.

Je pense aussi que saboter, et l'enseignement des mathématiques et l'enseignement de la philosophie, a peut-être été voulu pour s'assurer d'avoir une classe d'âge non-critique, malléable, incapables de classer des informations et les relier entre elles, envahie par ses émotions et prompte à s'emballer pour des idéologies stupides type « anti-racisme ».

Il y a environ 18/20 ans, j'ai lu « L'enseignement de l'ignorance ». Ce petit essai avait été écrit par Jean-Claude Michéa, qui était professeur de philosophie dans un lycée. Il expliquait le sabotage de l'enseignement, son but et ses conséquences. Il est possible que ce que je viens d'écrire ait été influencé par ses idées. Il est socialiste, ce que je ne suis pas, et il y a certaines contradictions dans ses analyses, mais je lui dois de m'avoir aidé de me sortir de l'incompréhension du monde dont j'ai été longtemps victime, en premier lieu de comprendre ce qu'est la gauche " sociétale" et son rôle moteur dans le capitalisme.

Dans son essai, il décrit le « crétin militant » : le jeune qui est inscrit à l'université ou vient de finir ses études, qui se croit plus intelligent que tout le monde mais qui est farci d'idées fausses et s'investit dans des fausses causes. Avec vingt ans d'avance, j'ai lu la description du militant de « Extinction Rébellion » ou autres activistes « pour le climat »....

L'autre « crétin » étant le jeune « prolétaire » souvent d'origine immigré qui, ne pouvant exprimer une idée, même simple, en vient à la violence.

Et Michéa conclut : « au lien de se demander quel monde on va laisser à nos enfants, on devrait se demander plutôt : à quels enfants on va laisser le monde. »

Il est possible que le mal soit encore plus profond. Parallèlement à l'effondrement du système éducatif français, on a eu l'effondrement du catholicisme. Comme je suis donc très peu formée en philosophie, j'analyse par pure intuition et il est bien possible qu'être privé de lien avec le surnaturel et à la transcendance est une cause majeure de désintérêt envers le savoir et une barrière à l'émerveillement. Par quoi peut bien être émerveillé un athée ?

Les « poètes » qui créent des espaces vides, des topoi vides dans les esprits des jeunes enfants, qui sont-ils ? Ces poètes ne sont-ils pas là pour nous éloigner de Dieu ? En tout cas, cette image des « espaces vides » m'ont fait penser aux maladies neuro-dégénératives et en particulier à la maladie d'Alzheimer. Le docteur André Gernez pensait que l'athéisme et la non pratique de la prière était un facteur d'apparition précoce de la maladie d'Alzheimer et il est possible qu'à la fin des années 1960 et le bouleversement de la société à l'époque, le ver était déjà dans le fruit, et que la pensée, le développement de l'intelligence, la mémoire, la capacité critique et la capacité de s'émerveiller étaient déjà sérieusement sapés par la « laïcité ». La description par Alois Alzheimer de la maladie qui portera son nom, la loi sur la laïcité et la mise en place de l'école publique « laïque » sont tout de même concomitants. Et il est possible donc que les « poètes » de Platon soient des démons.

Monsieur John Barry n'est pas venu sur terre pour rien, du moins, pas pour servir les démons. Il t'as apporté beaucoup et en retour, tu amènes beaucoup aux autres. Cela rejoins aussi la notion chrétienne de la charité. Que ce soit quelqu'un doit qui a beaucoup bénéficié de la sagesse d'un bon professeur de philosophie ou quelqu'un qui a conscience de ses lacunes comme moi mais qui veut progresser, ne sommes-nous pas des « moyenâgeux » et des nostalgiques de cet « âge sombre » dont on nous obstrue la lumière ?
Ma tante, qui aurait eu 100 ans cette année, était une femme extraordinaire. Elle était capable elle, d'étudier les textes des « âges sombres » puisqu'elle avait étudié le latin, le grec et l'occitan. Ayant grandi dans un contexte fort différent, je n'ai pas ces connaissances-là et je suis restée longtemps indifférente mais il est possible qu'elle m'ait légué à son décès survenu en 2004, hormis des livres, l'envie de progresser. Merci d'y contribuer. 





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