vendredi 13 septembre 2013

Vagabond

(photo du net)



  Ce soir, pour une fois, nous allons au parc du village : quelques mètres carrés d'herbe, des tables de pique-nique et quelques jeux abîmés par l'humidité et la négligence des autorités locales...

   Il faut dire que peu d'enfants foulent le sol du jardin et profitent des jeux, malgré la clémence du temps, les gens semblent terrés chez eux comme ne pas avoir à se confronter à l'ambiance des lieux, lourde et pleine de vieilles rancunes, le nouveau venu, le néo-rural, ressent très vite cet atmosphère. Nombreux sont ceux qui quittent les lieux assez vite dans l'espoir de trouver enfin, un havre de paix conforme à leurs rêves de citadins qui n'ont plus rien à faire dans un système qui n'a pas été taillé à leurs mesures.

   Ici, pas de bobos en mal d'authenticité, pas de chambres d'hôte policées ni de troupes de théâtre de rue, ni d'ateliers d'artistes contemporains, non, ici, les gens qui y échouent, essayent de survivre chez des gens qui ne les attendent pas après avoir renoncer à survivre chez d'autres gens qui ont tout fait pour qu'ils s'en aillent.

   Ils sont juste là pour augmenter les effectifs de l'école primaire qui sans eux fermerait.

   Leur enfants portent des prénoms qui fleurent bon l'univers onirique des celtes : Logan, Cameron, Maureen, mais qui en fait ont été pêchés dans les bas fonds de la télé poubelle américaine. Les mamans ressemblent à de grandes adolescentes et je me sens vieille à côté d'elle, et pourtant elles me ressemblent, elles ont atterri dans cette endroit faute d'endroit pour elles ailleurs. Et si je me sens si raisonnable à côté, c'est parce que j'oublie que j'ai deux décennies de plus qu'elle même si ma fille à le même âge que les leurs. 

   Les pères ne sont pas là ou à peine, les enfants grandissent comme ils peuvent...

   Il n y a donc que nous trois, nous trois et un vagabond qui se repose sur la pelouse qui borde les maisons HLM. Celles-ci semblent inhabitées car rien ne bouge, personne aux fenêtres ni dans les petits jardinets attenants aux maisons.

   Le vagabond, un homme déjà âgé, aux jambes maigres et nues et à la barbe hirsute, mange un petit casse-croûte et semble se moquer comme d'une guigne de cette non-vie aux alentours. Puis, il repart à pied sur la route. Je me dis qu'au moins, il trouvera facilement un endroit où passer la nuit sans être importuné par les forces de l'ordre car plus loin, c'est la montagne, la clue, la gorge et la forêt. Je crains tout de même qu'il ait froid, ces nuits de septembre sont déjà presque glacées en cette année où l'automne semble très pressé d'arriver. 

   Je lui souhaite silencieusement bonne chance.

   Et je regarde les montagnes au dessus de ma tête. Leur hauteur et leur air majestueux semblent être une humiliation pour les habitants et leurs petites rancoeurs mesquines. Il est en effet, très difficile de les regarder de haut et de les toiser avec mépris, encore moins de les intimider. 

   Pourtant, pour ceux qui savent les regarder avec humilité, c'est l'occasion de se grandir, d'être au dessus de la mêlée.

Marie-Hélène Gauthier (Esclarmonde) le 13/09/2013

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