vendredi 23 juin 2017

Un paysan contre le système




J'ai été étonnée d'apprendre il y a bien longtemps l'existence du métier de "conseiller en agriculture" et qu'il consistait à dire aux paysans ce qu'ils allaient qu'ils fassent sur leurs terres. Pour moi, les paysans savaient très bien ce qu'ils devaient faire sur leurs exploitations d'autant plus que nombreux sont ceux qui sont les héritiers de familles d'agriculteurs depuis plusieurs générations. Le vrai objectif ? Sans doute "optimiser" la production alimentaire et surtout, mettre un système de normes de plus en plus drastiques commanditées par l'Union Européenne. Ce sont bien sûr les grandes entreprises agro-alimentaires qui sont les grandes gagnantes et les perdants, les petits agriculteurs et bien sûr les consommateurs.

Depuis plusieurs décennies et dans l'indifférence générale, des fermes disparaissent et sont parfois vendues à de grands groupes, des fonds de pension souvent d'origine étrangère quand elles ne sont pas transformées en résidence secondaire.

C'est cette logique que Jérôme Laronze (photo), éleveur de bovins en Saône-et-Loire refusait ce qui lui a occasionné un véritable harcèlement de la part des services vétérinaires au point qu'il a décidé de se cacher et, ayant été retrouvé par les gendarmes, abattu sans raison apparente par les forces de l'ordre.

Ce fait divers d'abord confidentiel prend de l'ampleur et est repris par des sites d'information tant à gauche (Rébellyon, Bastamag...) que par la droite (Média-Presse Info, TV liberté)

Jérôme Laronze faisait partie de la Confédération Paysanne, ce syndicat paysan qui défend les petites exploitations et milite contre la production industrielle.

Celui-ci commence à s'organiser : http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/saone-et-loire/macon/hommage-veillee-ete-organisee-hommage-jerome-laronze-ce-mardi-20-juin-macon-1283541.html


TV Liberté a fait venir Stéphanie Bignon de l'association de Saône-et-Loire "Terre et Famille" pour parler de ce drame et de ce qu'il révèle sur l'état de l'agriculture française 








Un paysan tué par de gendarmes, un fait divers tragique vu par : 

  - Bastamag : https://www.bastamag.net/Un-paysan-tue-par-les-gendarmes-la-pression-des-controles-sanitaires-en

  - Rébellyon : https://rebellyon.info/Un-agriculteur-de-la-Conf-abattu-par-des-17903

  - Média-Presse info : http://www.medias-presse.info/un-jeune-agriculteur-trop-intelligent-a-ete-abattu-en-soane-et-loire-par-des-gendarmes-dans-lindifference-des-grands-medias/75474/


L'avenir passe par une agriculture familiale qui permette la souveraineté alimentaire, la confiscation des terres et des semences par quelques multinationales est un réel danger pour les peuples à qui on pourrait brandir l'arme de la faim, je parais catastrophiste mais pourquoi pas...









mercredi 21 juin 2017

Bouddhisme de pacotille

Aujourd'hui, j'ai trouvé des liens très instructifs sur un phénomène qui m'agace et qui m'intrigue à la fois depuis maintenant un certain temps : le mélange des genres religieux, la médiation de "pleine conscience" et le bouddhisme en particulier.... L'engouement est tel que j'ai vu récemment dans un hypermarché des statuettes en vente, on peut parler donc de "bouddhisme de supermarché", je ne suis pas sûre que cette vieille tradition spirituelle orientale soit au final bien respectée....







Soumission, dévotion et abus sexuels : j'ai enquêté sur le bouddhisme en France



Par 
Anthropologue


 Alors que le dalaï-lama est en visite en France, l’anthropologue Marion Dapsance sort ce 15 septembre "Les dévots du bouddisme" (Max Milo). Pendant sept ans, elle a enquêté sur les centres Rigpa, un réseau international dirigé par un proche du dalaï-lama. Elle dresse aujourd'hui le portrait d’une organisation sectaire, dont le maître, le lama Sogyal Rinpoché, serait le gourou. Témoignage.


Dans l’esprit des Occidentaux, le bouddhisme est une "spiritualité laïque", une "science de l’esprit". Bref, quelque chose de tout à fait rationnel.

J’ai commencé il y a quelques années à lire des ouvrages sur la méditation, avant de vouloir aller plus loin. Je me suis rapprochée d’un centre bouddhiste tibétain.

J’habitais sur la Côte d'Azur à l'époque, et je me suis rendue dans une structure de l’association Rigpa, à Nice. Il s’agit d’un réseau international dirigé par Sogyal Rinpoché – "Rinpoché" est un titre qu’on donne à plusieurs lamas et signifie "joyaux très précieux" –, un maître bouddhiste tibétain soutenu par le dalaï-lama. Il est l'auteur du best-seller "Le livre tibétain de la vie et de la mort".

Ce que j’ai découvert dans ce centre était aux antipodes de ce que nous, Occidentaux, connaissons du bouddhisme pratiqué à des fins de développement personnel. Les maîtres asiatiques proposent des rituels très compliqués et en tibétain. Ils font intervenir des divinités et demandent une soumission absolue au maître.

J’ai réalisé que je me retrouvais face à un choc des cultures qui pouvait donner lieu à des quiproquos et des désillusions. J’ai continué à aller suivre les enseignements bouddhistes, mais pour mener mon enquête.



Sept ans d'enquête

J’ai décidé que ce sujet ferait l’objet de ma thèse de doctorat en anthropologie, à l’École pratique des hautes études. J’y ai consacré sept ans. Les deux premières années, je me suis inscrite comme "étudiante"  – c’est comme ça qu’on appelle les disciples – au centre de Levallois pour suivre des cours de méditation, des retraites spirituelles et des enseignements publics.

Après mon enquête de terrain, j’ai entamé une série d’entretiens avec des personnes beaucoup plus avancées que moi dans la voie proposée, et qui m’ont fait part de leur expérience.

Puis il a fallu que j’acquière des connaissances sur le bouddhisme tibétain et la culture tibétaine, mais aussi sur les religions occidentales, qui ont permis de récupérer le bouddhisme pour l’ériger au rang de "religion laïque".

Méditer devant une vidéo du maître

Mes premières séances de méditation étaient fidèles à l’idée que je m’en étais faite. En tailleur, le dos droit, les étudiants concentrent leur esprit sur un point.

Sauf que, rapidement, on bascule dans un autre registre. On conseille aux étudiants de méditer devant l’image du maître, Sogyal Rinpoché, voire devant une vidéo de lui. Sa présence, même à travers l’écran d’une télévision, apporterait des bénédictions.

On nous enseigne ensuite que, ce qui est vraiment efficace, c’est d’avoir de la dévotion pour le maître et d’assister à ses enseignements. Le centre principal de retraite du réseau international Rigpa se trouve en France, près de Montpellier. Il a été inauguré en grandes pompes en 2008 par le dalaï-lama. Carla Bruni, Bernard Kouchner, Rama Yade et d’autres personnalités étaient présentes ce jour-là.

Branle-bas de combat pour trouver un trône

J’ai assisté à des enseignements de Sogyal Rinpoché au centre de Levallois-Perret. Il arrive généralement avec une demi-heure, trois quarts d’heure, voire deux heures de retard. Dès son entrée en scène, il s’adresse aux gens au premier rang et leur reproche de ne pas avoir fait leur travail. Les étudiants reconnaissent avoir mal agi, et se confessent publiquement.

Outre ses plaisanteries bas de gamme, il arrive au lama d’être violent. J’ai pu le voir empoigner quelqu’un par les cheveux et le traiter de "yak". Je l’ai également vu se mettre en colère car il n’avait qu’un siège basique. Branle-bas de combat pour lui trouver un trône. Les gens qui avaient payé pour assister à son "enseignement" ont dû prendre leur mal en patience.

Enfin, toute une organisation est dédiée au bien-être personnel du maître. J’ai eu accès aux guides qui recensent les procédures à suivre pour satisfaire Sogyal Rinpoché. Parmi les recommandations, il lui faut une piscine chauffée à proximité, un lit double, une marque de thé spéciale, des repas à base de bœuf et une Mercedes de fonction avec chauffeur. Il doit également pouvoir capter la chaîne CNN partout où il va, disposer d’une cuisinière et d’une masseuse 24 heures sur 24. Surprenant, pour une spiritualité qui rejette le matérialisme. 

Abus sexuels et violences

Lorsque j’ai commencé ma thèse, j’ai rencontré Olivier Raurich, ancien directeur de Rigpa France et traducteur de Sogyal Rinpoché, pour l’informer de ma démarche. Je lui ai dit que je voulais enquêter sur la façon dont les lamas tibétains transmettaient le bouddhisme aux Occidentaux. Je lui ai également précisé que j’avais entendu des rumeurs sur des abus sexuels dans les centres Rigpa. J’ai joué cartes sur table. Quelques années plus tard, en 2015, Olivier Raurich a démissionné en dénonçant les pratiques sectaires du groupe.

Sogyal Rinpoché a eu des démêlés avec la justice en 1994 aux États-Unis. Une jeune femme avait porté plainte pour abus sexuels et violences dans un centre Rigpa. Mais la justice américaine permet la signature de conciliations. Le maître avait sorti une grosse somme d’argent pour que l’ancienne dakini arrête les poursuites.

Le terme tibétain dakinis désigne des divinités féminines. Celles-ci détiendraient des enseignements secrets qu’elles transmettraient au lama dans un langage codé. Mais il semblerait que dans ces centres, les dakinis ne soient ni plus ni moins que des partenaires sexuelles. 

J’ai rencontré certaines d’entre elles au cours de mon enquête. Notamment une Franco-japonaise qui a réussi à quitter le groupe. Elle a même entamé une procédure judiciaire, avant d’arrêter les poursuites. C’était la parole du maître contre la sienne. Elle a préféré passer à autre chose.

"Folle sagesse"

La force de Sogyal Rinpoché, c’est d’avoir diffusé le concept de "folle sagesse" : sa folie ferait de lui quelqu’un de sage. Plus il se comporte de manière inattendue, violente, agressive et irrespectueuse, plus cela prouve qu’il est un être éveillé, omniscient, au-dessus des contraintes sociales. Si vous ne voyez en lui qu’un gars qui se comporte mal et abuse de son pouvoir, c’est que votre esprit est "obscurci".

Deux options s’offrent alors à vous : soit vous finissez par comprendre que votre maître agit par compassion, soit vous êtes exclu du groupe. Nous sommes dans un système incritiquable, basé sur la foi totale et absolue en Sogyal Rinpoché.

Le dalaï-lama ferme les yeux

Un peu plus de la moitié des étudiants de ces centres bouddhistes ne souhaitent pas aller plus loin que la méditation. Mais beaucoup continuent, s’investissent et passent à une autre forme de bouddhisme.

Certains d’entre eux décrochent en cours de route et réalisent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Qu’ils soient allés trop loin ou qu’ils aient su s’arrêter à temps, la désillusion reste grande.

Je suis évidemment allée à la Miviludes – Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – pour les informer de mes recherches. L’organisme m’a avoué être déjà au courant de ce qui se tramait dans les centres Rigpa… Mais il n’a, pour l’heure, pas réagi, malgré le caractère très discutable de ces pratiques.

Quant au dalaï-lama, il est lui-aussi au courant du comportement de Sogyal Rinpoché. Après le scandale de 1994, il a pourtant refusé de signer une charte de bonne conduite pour les lamas qui enseignent en Occident. Depuis, il ferme les yeux. Certainement pour ne pas donner une mauvaise image du bouddhisme tibétain.


Propos recueillis par Julia Mourri



Marion Dapsance a aussi donné une conférence pour le Cercle de l'Aréopage tout récemment où elle explique très clairement la différence qu'il y a entre le "vrai" bouddhisme pratiqué en Asie et en particulier au Tibet et l'ersatz de bouddhisme qui a été popularisé en Occident. Puis elle aborde l'origine de cet engouement suivi par des réactions et des questions du public. Son exposé est d'une grande clarté et d'une grande sobriété et m'a appris énormément sur cet engouement qui ne m'a jamais touché personnellement mais qui touche pas mal de gens autour de moi.







Heureusement, cet engouement pour les religions lointaines qui sent quand même bon l'exotisme de pacotille a été tourné en dérision avec talent il y a soixante de ça 😸









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