mardi 30 novembre 2021

Lettre du Chili : survivre dans la désolation post-conciliaire

 

Mgr Cristián Roncagliolo, évêque auxiliaire de Santiago, donne la messe pendant la Journée nationale de solidarité (photo de l'auteur)


Par Ignacio Gallardo

De mon point de vue, il semble que le catholicisme traditionnel est en plein boom en Europe et aux États-Unis.. Des messes, remplies de jeunes paroissiens (et de prêtres), sont données tous les dimanches dans de nombreux endroits et il y a même quelques évêques qui donnent la messe pré-conciliaire de temps en temps. L'avenir de l'Église semble lumineux (au moins à long terme) mais est-ce ainsi en dehors de ces pays ?

Hélas, non. Au Chili, cela ressemble à une totale dévastation. Même si de la sympathie pour la sainte tradition est présente chez certains jeunes prêtres, un manque de connaissance, d'intérêt et d'action sur le sujet a laissé la restauration de l'Église pratiquement morte partout. Pour vous donner un exemple chilien, j'ai discuté avec le prêtre de ma paroisse au sujet de la messe pré-conciliaire et même s'il aimait l'idée, il l'a évacué comme « quelque chose d'inadapté pour nous. » Il y a la crainte généralisée que, si on abandonne l'espagnol, les applaudissements, les guitares, les pianos et les percussions avec la musique des années 1960, l'Église périra. Mais la réalité dit tout autre chose. L'âge moyen des catholiques pratiquants (au moins où je vis) est de plus de 60 ans, et les églises sont presque toujours à 20 ou 30% de leurs capacités avec bon nombre de jeunes catholiques abandonnant la foi avant leur vingtième anniversaire. Le pourcentage de catholiques dans mon pays a diminué de 58% en 2018 à 45% en 2019. (1) pour rendre les choses encore pire, mon diocèse n'a pas de séminaristes et d'autres diocèses se retrouvent dans la même situation. L'Église est pratiquement morte et on pense toujours que les réformes du Concile Vatican II étaient fabuleuses et le seul chemin à suivre ! (« Le Concile est l'humanité ensemble pour un avenir meilleur ! » dit la vieille affiche de propagande).

En tant que catholique âgé de 20 ans, je n'ai pas d'attachement émotionnel au Concile ou ses réformes, et pour être honnête, je les trouve assez contreproductives. Le catholicisme post-conciliaire n'a jamais eu de sens pour moi, ni n'a de sens pour mes amis qui ont quitté l'Église il y a des années, et qui se moquent en permanence des chansons insupportables de style boomer qu'on nous obligeait à supporter ! La situation ici est si désespérée que la Fraternité St Pierre et l'Institut du Christ-Roi n'existent quasiment pas, ni la messe pré-conciliaire diocésaine. La Fraternité St Pie X, bien qu'elle existe (dans quelques grandes villes), est très petite, et par conséquent presque impossible à trouver, et ils sont injustement rejetés comme « secte schismatique. » Pour aggraver les choses, les gens obéissent aveuglement au pape, qu'ils approuvent ou non ce qu'il fait. Mais je pense que si les Latino-Américains étaient exposés à la beauté de la tradition, ils réagiraient très favorablement comme n'importe qui.

Même les adultes semblent commencer à se rendre compte que sans doute les réformes n'ont pas amené de « printemps, » un rajeunissement du Peuple de Dieu, une « nouvelle Pentecôte. » Nombreux sont ceux qui sont assez inquiets de l'état de l'Église (bien qu'ils n'accusent sous aucun prétexte le Concile ou ses réformes). Il semblerait que certains commencent à contempler leurs années d'adolescence ou d'enfance avant le Concile comme inspiration. Par exemple, dans ma paroisse, deux vieilles dames ont soudainement commencé à mettre des voiles, et il y a quelques semaines, il y a eu une tentative d'avoir un orgue (qui a malheureusement échoué). Un couple a commencé à s'agenouiller lorsque le prêtre a donné sa bénédiction à la fin de la messe. Sans le savoir, les gens ont faim de la Sainte Tradition ! Le problème c'est que même les prêtres ne semblent pas avoir conscience des différences théologiques et pratiques entre les messes d'avant et d'après le Concile, et l'idée générale, c'est que seuls la langue et la direction du prêtre ont changé. Par conséquent, rien n'est fait.

Mais le plus gros problème de tous, c'est que la majorité des fidèles sont toujours sous « l'esprit de Vatican II, » en particulier la hiérarchie qui agit comme si elle était toujours en 1972. Par exemple, en 2008, quelques prêtres de l'Institut du Bon Pasteur sont allés à Santiago (la capitale du Chili – ce qui se passe décide de ce qui se passe partout ailleurs) et ont tenté de rallumer les flammes de la Tradition. Mais le cardinal Francisco Javier Errázuriz Ossa, l'archevêque d'alors, leur a interdit de faire quoi que ce soit. (2) Il leur a donné six mois pour partir et ils ont de toute évidence quitté le pays pour ne jamais revenir. (3) Ensuite, la hiérarchie a commencé une persécution inquisitoriale contre tous les « lefébvristes » ou « crypto-lefébvristes » (oui, Summorum Pontificum a été « supprimé par les évêques pour des « raisons pastorales »). Tous les espoirs de la Tradition sont morts ce jour-là.

 Qu'importe ce que nous faisons, la hiérarchie nous écrase sans pitié. En guise de comparaison, tous les ans, les Juifs, les anglicans, les luthériens, les méthodistes et d'autres non-catholiques sont invités à un événement national dans la cathédrale métropolitaine de Santiago nommé « Te Deum Ecuménico » pour offrir leurs prières et faire leurs cérémonies religieuses. (4) L'évènement est si important qu'il est retransmis par toutes les chaînes de télévision et stations de radio mais l'occasion d'évangéliser manque toujours, l'évènement est toujours un spectacle honteux et insensé plein de « justice sociale » et de « miséricorde » et beaucoup de trucs bizarres.

La situation est similaire dans d'autres pays d'Amérique Latine. Par exemple, que la hiérarchie mexicaine persécute la Fraternité St Pierre qui essaye de s'établir au Mexique, n'est pas un secret. (5) Dans les Antilles, le Père Sixto Eduardo Varela Santamariá au Costa Rica a été suspendu et envoyé dans un hôpital psychiatrique par son évêque pour avoir tenté timidement la « réforme de la réforme » dans sa paroisse. (6) (La tradition est une maladie mentale pour la hiérarchie). Et cette persécution inquisitoriale s'est tout simplement aggravée après Traditionis Custodes, en particulier au Costa Rica où les traditionalistes ont droit à de la « miséricorde » à mort de la part de leurs évêques. Néanmoins, dans des endroits comme le Mexique, le Pérou et l'Argentine, la foi traditionnelle continue même sans la messe en latin – elle brûle jusqu'au fond du cœur de chaque mestizo (métis) par Notre Dame de Guadalupe, Impératrice des Amériques.

Mais pourquoi dites-vous que la tradition sauvera l'Église ? Est-ce vraiment si important ? Oui ça l'est, car « le dépôt de la foi tout entier a été confié à l'Église par Jésus-Christ Notre Seigneur – Écritures sacrées et Tradition divine – ont été préservées, gardées et interprétées. » (7) C'est pour cette raison que l'Église « qui négligera une recherche plus profonde dans le dépôt de la foi (Écritures et Tradition), se révélera stérile. (8) La foi n'est pas seulement contenue dans les Écritures comme l'affirment les protestants et les modernistes, mais dans les Écritures Saintes et la Sainte Tradition. Négliger l'une ou l'autre c'est rendre l'Église stérile. Le Corps mystique du Christ a besoin des deux pour œuvrer correctement, de la même façon que nous avons besoin de l'eau et du vin. C'est pourquoi l'Église dans ces lieux où la Sainte Tradition a été négligée est en train de périr, et dans ces endroits où elle est respectée, elle est florissante. La seule solution à la crise actuelle est un retour complet vers la Tradition. Après tout, les réformes se sont révélées être un échec important. Mais cela ne devrait surprendre quiconque. Pour citer le pape St Célestin Ier, « l'Église universelle est affectée par n'importe quelle nouveauté. » (9) « n'importe quelle nouveauté » incluent des changements mineurs, et si un changement mineur est dommageable à l'Église, il faudrait être un idiot pour ne pas se rendre compte que la nouvelle messe, les sacrements, le bréviaire, etc allaient provoquer une catastrophe. Pourquoi essayer d'être « moderne » puisque cela devient démodé année après année ? A la place, obéissons à St Paul l'Apôtre qui nous a commandé de « demeurez fermes, et retenez les enseignements que vous avez reçu, soit de vive voix, soit par notre lettre. » (10)

S'il vous plait, arrêtez avec les innovations.

La seule voie à suivre, c'est la tradition.


  1. Encuesta Nacional Bicentenario 2019: Religión.” Universidad Católica.

  2. Le cardinal Francisco Javier Errázuriz Ossa a été nommé par le pape François en 2013 au Conseil des cardinaux. Il a été forcé de démissionner en 2018 car il faisait l'objet d'une enquête pour dissimulation de violences sexuelles. Son successeur comme archevêque de Santiago, Ricardo Ezzati Andrello (qui a été fait cardinal par le pape François en 2014), a été aussi impliqué et forcé à la démission, et Juan Barros Madrid qui avait été fait évêque d'Osorno par le pape François, a du aussi démissionner pour son implication directe dans les violences sexuelles. En essayant de les protéger, le pape a personnellement rejeté comme faux les accusations lorsqu'il s'est rendu au Chili. Mais lorsque malheureusement ces accusations se révèlent être vraies, le caractère extrêmement proche de la collaboration du pape avec ces trois évêques nuit à la réputation de l'Église.

 (3) Secretum Meum Mihi. (February 23, 2008). De nuestro        buzón de correo: “Peligra apostolado del IBP en Chile.”

(4) Le « Te Deum » est une tradition chilienne depuis 1811  mais avant le Concile Vatican II, il consistait à une grand-messe solennelle pontificale, suivie par le chant de la prière du Te Deum et quelques Heures canoniques du Bréviaire romain (comme les laudes) ; après le concile, il est devenu un rassemblement œcuménique pour le dialogue et la fraternité. Mais ce n'est pas le seul événement œcuménique : lorsqu'un nouveau président commence son mandat, l'archevêque de Santiago conduit une cérémonie appelée « prière œcuménique pour le Chili et son nouveau gouvernement. »

(5)
Religión, la voz libre. (22 September 2021). Cardenal prohíbe apostolado a la FSSP (México).

(6) InfoCatólica. (22 Septembre 2021). Obispo de Costa Rica suspende a sacerdote por celebrar la misa «nueva» en latín y «ad orientem» como permite la Iglesia.

(7) Pape Pie XII. Humani Generis (1950), 18.
(8)
Ibid., 21.

(9) Pape St. Célestin Ier. Epître XXI adressée aux évêques de Gaule.

(10) 2 Thessaloniciens 2:15

Ignacio Gallardo, né en 2001, est un étudiant chilien en droit. Il a découvert les traditions de l'Église lorsqu'il était en Europe et les a aimé instantanément. Il aime lire et ses centres d'intérêt principaux sont la théologie et la Sainte liturgie.


Source : https://onepeterfive.com/a-letter-from-chile-surviving-the-post-conciliar-wasteland/







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