dimanche 24 décembre 2017

Noël

Pour Noël voici quelques chants d'Irlande, d'Allemagne, de Russie, de France, de Norvège, de Provence, d'Auvergne, de Grèce et d'Italie. Qui que vous soyez qui tombez sur cet article, que ce Noël vous apporte la paix, la simplicité et la sérénité. Ne cédons pas aux sirènes consuméristes comme laïcistes 😇. 

Moïra Forest




















































lundi 18 décembre 2017

Féminisme et vaisselle







   "Un apres-midij'aidais maman à faire la vaisselle; elle lavait des assiettes, je les essuyais; par la fenetre, je voyais (...) d'autres cuisines ou des femmes frottaient des casseroles ou epluchaient des legumes. Chaque Jour, le dejeuner, le diner ; chaque jour la vaisselle· ces heures indéfiniment recommencées et qui ne mènent part: vivrais-je ainsi? "

Simone de Beauvoir - Mémoires d'une jeune fille rangée






« J’ai jamais pu encadrer les féministes… reprit Christiane alors qu’ils étaient à mi-pente. Ces salopes n’arrêtaient pas de parler de vaisselle et de partage des tâches ; elles étaient littéralement obsédées par la vaisselle. Pourtant, elles prononçaient quelques mots sur la cuisine ou les aspirateurs ; mais leur grand sujet de conversation, c’était la vaisselle. En quelques années, elles réussissaient à transformer les mecs de leur entourage en névrosés impuissants et grincheux. A partir de ce moment - c’était absolument systématique - elles commençaient à éprouver de la nostalgie pour la virilité. Au bout du compte elles plaquaient leurs mecs pour se faire sauter par des machos latins à la con. J’ai toujours été frappée par l’attirance des intellectuelles pour les voyous, les brutes ou les cons. Bref, elle s’en tapaient deux ou trois, parfois plus pour les très faisables, puis elles se faisaient faire un gosse et se mettaient à préparer des confitures maison avec les fiches cuisine Marie-Claire.  J’ai vu le même scénario se reproduire, des dizaines de fois…

- C’est du passé… » fit Bruno, conciliant. "


Michel Houellebecq - Les particules élémentaires





dimanche 10 décembre 2017

Enquête sur un régicide

Exécution du citoyen ordinaire Romanov ou bien quand même un régicide rituel ?








   Pourquoi nous faut-il élucider si l’exécution du dernier empereur russe et de sa famille était ou non une action sacralisée ?

   Il est difficile de s’expliquer l’hystérie mystérieuse de notre société libérale en réaction à la nouvelle que le Comité d’Enquête sur l’affaire du régicide, dans la nuit du 17 au 18 juin 1918, fait, entre autres, des recherches sur la vraisemblance du caractère rituel de ce crime.
   Il est encore plus effrayant que dès les premières minutes du débat s’y soient impliqués avec véhémence des représentants d’une des confessions traditionnelles de la Russie, le judaïsme : soi-disant, ils avaient sous les yeux une provocation antisémite. Il est plus probable que le malentendu fut provoqué par  ces mêmes journalistes libéraux qui mélangeaient (ou faisaient mine de mélanger) deux choses totalement différentes, le « meurtre rituel », c’est-à-dire un meurtre avec des motifs religieux, mystiques et l’utilisation de rituels ou d’une symbolique, et la « calomnie sanglante » , c’est-à-dire le mythe médiéval des rabbins égorgeant des enfants chrétiens pour la Pâques.  Les journalistes ont commencé à interpeller les rabbins avec la question délirante : « Est-il vrai que l’Eglise Orthodoxe Russe vous accuse d’avoir tué le tsar ? » Ce à quoi, bien entendu, les représentants de la communauté juive ne pouvaient pas réagir sans indignation. C’est un truc facile.
   En réalité, il existe des meurtres rituels sataniques et occultes, on en soupçonnait aussi des sectes russes du type des khlysti. Un psychopathe solitaire peut tout à fait s’inspirer d’idées pseudo-religieuses délirantes et accomplir lui aussi des meurtres rituels.
   
A la différence de la « calomnie sanglante » à laquelle même la propagande hitlérienne hésitait à recourir, les meurtres rituels, commis par des satanistes, des sectaires ou des occultistes s’avèrent, hélas, une composante de notre quotidien.  Le 19 novembre, est mort dans une prison américaine le sectaire et organisateur de meurtres rituels Charles Manson.  Et le clergé orthodoxe devient de temps en temps victime des maniaques satanistes : rappelons-nous le meurtre des moines d’Optina Poustin la nuit de Pâques 1993 ou le règlement de compte de la cathédrale de Ioujno-Sakhalinsk en février 2014.

   L’hypocrisie de nos « libres penseurs » est évidente : criant à un antisémitisme supposé, ils détournent les yeux de la société de faits évidents : parmi les soi-disant athées bolcheviques, il y avait plein d’occultistes, depuis le commissaire du peuple à l’éducation Lounatcharski jusqu’à l’un des principaux commanditaires du régicide, Sverdlov. Que le thème sectaire fut extrêmement fort chez les fondateurs du pouvoir soviétique, en témoignent et le culte de l’étoile rouge (que de plus, au début, on dessinait renversée) et l’étrange idée du Mausolée, qui s’explique moins par la vénération de Lénine mort que par l’espoir de le ranimer…
   
Tout le bolchevisme des premiers temps était empli d’une symbolique ténébreuse qui était loin d’être innocente, et dans les actions de ses leaders se faisait jour une haine non seulement politique mais métaphysique pour le tsar, le système tricentenaire précédent de la Russie et, bien sûr, l’Eglise.

   Dans les documents d’enquête sur la fusillade de la famille impériale beaucoup de témoignages réclament au minimum une étude approfondie :  les étranges graffitis laissés sur les murs, dont une partie semble absurde, et l’autre présente un sens, comme cette citation de Heine en allemand, laissée par un petit malin : «Belsatzar ward in selbiger Nacht / Von seinen Knechten umgebracht». « Balthazar fut tué cette nuit par ses serviteurs ». Balthazar était dans la Bible le nom du roi de Babylone, mais son nom fut déformé par l’auteur de l’inscription, à la place de Belsazer, il a écrit Belsatsar, pour obtenir l’écriture du titre de tsar.

   Cette seule inscription met fin aux spéculations mal intentionnées des apologètes néosoviétiques sur « l’exécution du citoyen ordinaire Romanov ». On a tué le tsar. Le tsar russe. La figure sacrée et la concentration de la gouvernance russe millénaire. 
« Personne ne va nier que l’empereur, même ayant abdiqué, n’est pas resté, sans aucun doute, une figure symbolique, sacrée. Le meurtre du tsar et de sa famille, qui mettait fin à l’existence de la dynastie trois fois séculaire des Romanov, haïe des révolutionnaires, fut une affaire tout à fait particulière, empreinte pour beaucoup d’un contenu rituel, symbolique » remarque l’évêque d’Iegorevsk Tikhon  (Chevkounov), secrétaire de la Commission Patriarcale pour l’étude des résultats de l’expertise des restes de la famille impériale. 

   C’est ici que se dissimule la cause de l’agitation bruyante de nos « libéraux ». Ce n’est pas la bonne réputation du peuple juif qu’ils défendent, rien ne rappelle la mythologie de la « calomnie sanglante » dans les circonstances du meurtre, même extérieures. Ils ne veulent pas qu’officiellement, à un niveau étatique, soit établi le fait que cette nuit là, dans la cave de la maison Ipatiev, fut tué le Tsar, et non le «citoyen», que les assassins voyaient le sens de leur action précisément dans le fait d’en finir avec la monarchie orthodoxe, en tant que point  de concentration de ces forces spirituelles qui, selon l’enseignement des pères, s’opposent au mal mondial sous toutes ses formes.

   La justice russe, sans conteste, est obligée d’examiner, dans le cadre des vérifications de l’enquête, toutes les versions de ce qui s’est passé.  Bien que nous n’ayons aucun doute particulier sur le fait que tous les bourreaux de la tragédie d’Ekaterinboug étaient conscients de commettre précisément un régicide. 
   Mais qui défendent et qui servent ceux qui essaient d’entraîner l’enquête sur une fausse piste, suscitent la haine religieuse, tentent de «baillônner » le débat par des criailleries sur le fait qu’enquêter sur le caractère rituel du meurtre, c’est de « l’antisémitisme » ? La question est bien sûr, intéressante.


Un article de Yégor Kholmogorov 


Merci à Laurence de m'avoir autorisé à publier ce texte. Voir ici https://chroniquesdepereslavl.blogspot.fr/2017/12/execution-du-citoyen-ordinaire-romanov.html?showComment=1512851209130#c1350611631243789734


Le message mystérieux trouvé dans la maison Ipatiev :









dimanche 3 décembre 2017

Eloïs et Morlocks



   Nous disposons, à présent, de suffisamment d’éléments pour être en mesure d’anticiper en partie ce monde d’après, tel que les innombrables « futurologues » de l’élite industrielle et financière mondiale ont déjà commencé à en élaborer le scénario. Il ne pourrait bien sûr s’agir, dans cette hypothèse libérale, que d’une société duale, assez semblable, au fond, à celle que H.G. Wells avait magistralement décrite, en 1895, dans La Machine à explorer le temps (les descendants des classes privilégiées – les Éloïs – étant alors censés occuper – l’action se situe en 802701 – toute la surface d’une terre redevenue verdoyante, tandis que ceux des classes populaires – les terrifiants Morlocks – ont été relégués dans les profondeurs des mondes souterrains). 

   C’est ainsi que les géants de la Silicon Valley – Google, Amazon, Facebook ou Apple – en sont déjà à réfléchir concrètement, depuis un certain nombre d’années, aux différentes possibilités de créer, un peu partout dans le monde, des territoires entièrement off-shore (que ces nouvelles zones à défendre du libéralisme post-démocratique prennent la forme de « micro-nations » ou même, comme l’imagine Patri Friedman, de « villes flottantes » situées dans les eaux internationales) à l’abri desquelles les Éloïs du futur pourraient se voir indéfiniment protégés de toute intervention étatique – notamment sur le plan fiscal – et libérés une fois pour toutes de toute responsabilité envers la nature et le reste du genre humain. Tout en bénéficiant par ailleurs (ce qui réjouira certainement Raphaël Liogier) de tous les privilèges à venir de l’ « homme augmenté », voire immortel, et des gadgets sans cesse renouvelés de la technologie siliconienne. 



   


   Quant au monde des Morlocks (autrement dit, celui de l’immense majorité des humains) – et bien que les idéologues siliconiens se montrent plutôt discrets sur cette question de l’avenir des losers – il ressemblera sans doute comme deux gouttes d’eau, si l’on suit jusqu’au bout cette logique libérale, à celui que No Border s’efforce déjà de mettre en place dans la zone expérimentale de Calais. Autrement dit, à un univers « multiculturel » – où l’ordre serait assuré, dans l’idéal, par des maffias venues du monde entier – et dans lequel la logique de l’ubérisation de la vie quotidienne aurait été poussée à son degré ultime. Les quelques entreprises indispensables à la survie quotidienne des populations de passage (ou provisoirement sédentarisées) se retrouvant dès lors entièrement libres d’investir aussi bien dans des activités relevant de l’économie marchande classique (restaurants, magasins d’alimentation, ateliers de réparation, lieux de loisirs, etc.) que dans celles qui étaient encore tenues jusqu’ici pour illégales, par exemple le trafic de drogue ou la prostitution. Cette zone expérimentale de Calais apparaît d’ailleurs si novatrice, d’un point de vue libéral, qu’on ne peut même plus exclure totalement, dans l’hypothèse où ce projet d’ubérisation intégrale de la vie se révélerait suffisamment prometteur, que certains gouvernements européens envisagent dès maintenant d’en étendre le principe – de préférence dans ces dernières zones rurales qui échappent encore partiellement à l’emprise du capitalisme global – sous le prétexte humanitaire tout trouvé de l’indispensable accueil de ces réfugiés du monde entier que les puissances occidentales savent désormais fabriquer en série grâce à leurs interventions militaires à répétition (mais il va de soi que tout autre prétexte idéologique ferait aussi bien l’affaire). 






   Bien entendu, les formes de vie concrètes de ces nouvelles zones franches du monde « post-démocratique » (puisque comme le rappelait encore il y a peu Peter Thiel, 1’un des principaux mécènes de ce vaste projet libertarien, « la liberté n’est pas compatible avec la démocratie ») devront nécessairement différer du tout au tout selon qu’il s’agira de territoires Éloïs ou de territoires Morlocks (les premiers relevant plutôt de l’imaginaire de Brazil et du Meilleur des mondes, les seconds de celui de Mad Max et de Blade Runner). Mais, sur le fond, il n’existe déjà plus aucune différence philosophique majeure entre la vision du monde futur des libertariens de la Silicon Valley et celle des libertariens de No Border (comme le confirme, entre autres, cette nouvelle idéologie « pirate » qui se développe à présent un peu par- tout dans la jeunesse des nouvelles classes moyennes du monde entier, que ce soit sous une forme de « gauche » ou sous une forme de « droite »). Et comme, de surcroît, il deviendra très vite indispensable – dans cette hypothèse (déjà anticipée par Christopher Lasch) d’une sécession généralisée des élites – de neutraliser de toutes les manières possibles les inévitables tensions et conflits qu’engendrera nécessairement la coexistence de deux univers aussi différents (songeons au type de sécurité qu’implique déjà la protection des « villes fermées » aux États-Unis) il faudra bien, tôt ou tard, que libertariens de droite et libertariens de gauche en viennent à associer leurs efforts afin de pouvoir exercer en commun le contrôle policier renforcé – qu’il soit à base de soft power ou de hard power – qu’exigera inéluctablement ce nouveau type de « société » duale et intégralement ubérisée. Telle est du moins – à lire les plus récents écrits de leur pléthorique domesticité intellectuelle – la façon dont les capitalistes les plus riches et les puissants de la planète, ceux de la Silicon Valley, envisagent à présent leur propre avenir, sur fond de crise montante du système économique et financier mondial et de destruction accélérée de l’environnement. Et, par ricochet, celui du reste de l’humanité. 


Jean-Claude Michéa - Notre ennemi le capital
Éditions Climats, 2017 (Note de la scolie p, p. 296-299)



Projet de villes flottantes des "maîtres du monde" 

https://jack35.wordpress.com/2014/04/14/micro-etats-villes-flottantes-le-projet-fou-des-nouveaux-maitres-du-monde-galerie/








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