lundi 12 mars 2018

Le Bazar de la Charité




Le Bazar de la Charité était une oeuvre de bienfaisance fondée par des grands bourgeois et des financiers pour mettre en place des ventes d'objets divers au profit des pauvres et des démunis en 1885. Le 4 mai 1897, un incendie s'y produit qui fait 126 victimes surtout des femmes... Dans son JournalLéon Bloy, sur un ton qui détonne franchement par rapport aux différents hommages rendus aux victimes va même se réjouir de l'incendie, y voyant l'action de Dieu contre le matérialisme et l'irreligion de l'époque. On peut aussi y voir une réflexion toujours d'actualité sur le "charity business".




Léon Bloy
Mon journal (1896-1900)

Mai 1897

5. - Incendie du Bazar de Charité. Un grand nombre de belles dames ont été carbonisées, hier soir, en moins d'une demi-heure. Non pro mundo rogo1 ; dit le Seigneur. Admirable sottise de Coppée. "Elles s'étaient réunies pour faire le bien ", écrit-il. Tout le monde, bien entendu, accuse Dieu.

8. - L'agitation au sujet de l'incendie continue. songez donc ! Des personnes si riches, en toilette de gala et qui avaient leurs voitures à la porte ! Leurs voitures éternellement inutiles ! Tout ça pour l'amour des pauvres. Oui, tout ça. Quand on est riche, c'est qu'on aime les pauvres. Les belles toilettes sont la récompense de l'amour qu'on a pour la pauvreté. Et voilà qui condamne l'Evangile. Le Nonce du Pape était venu bénir la Truie qui file, un instant avant le feu. Il était à peine sorti que cela commençait... Judex tremebundus ante januam.2.
9. - A mon ami André R :

POUR EXASPERER LES IMBECILES

   Vous me demandez "quelques mots" sur la récente catastrophe. J'y consens d'autant plus volontiers que je souffre de ne pouvoir crier ce que je pense.
   J'espère, mon cher André, ne pas vous scandaliser en vous disant qu'à la lecture des premières nouvelles de cet événement épouvantable, j'ai eu la sensation nette et délicieuse d'un poids immense dont on aurait délivré mon coeur. Le petit nombre de victimes, il est vrai, limitait ma joie.
   Enfin, me disais-je tout de même, enfin ! ENFIN ! voilà donc un commencement de justice.
   Ce mot de Bazar accolé à celui de CHARITE ! Le Nom terrible et brûlant de Dieu réduit à la condition de génitif de cet immonde vocable !!!

1. "Je ne prie pas pour tout le monde" (Jean, XVII, 9)
2. "Le juge redoutable est à la porte."

   Dans ce bazar donc, des enseignes empruntées à des caboulots, à des bordels, A la Truie qui file, par exemple ; des prêtres, des religieuses circulant dans ce pince-cul aristocratique et y traînant de pauvres êtres innocents !
   Et le Nonce du Pape venant bénir tout ça !
   Ah ! mon ami, quelle brochure à écrire ! L'incendiaire du Bazar de Charité.
   Tant que le Nonce du Pape n'avait pas donné sa bénédiction aux belles toilettes, les délicates et voluptueuses carcasses que couvraient ces belles toilettes ne pouvaient pas prendre la forme noire et horrible de leurs âmes. Jusqu'à ce moment, il n y avait aucun danger.
   Mais la bénédiction, la Bénédiction, indiciblement sacrilège de celui qui représentait le Vicaire de Jésus-Christ et par conséquent Jésus-Christ lui-même, a été où elle va toujours, c'est à dire au FEU, qui est l'habitacle rugissant et vagabond de l'Esprit-Saint.
   Alors, immédiatement, le feu a été déchaîné, et TOUT EST RENTRE DANS L'ORDRE.
    Te autem faciente eleemosynam, nesciat sinistra tua quid faciat dextera tua : Ut si eleemosyna tua (1) IN ABSCONDITO (Matth. vi, 3 et 4).
-  Vous vous êtes joliment fichue de cette Parole, n'est-ce pas ? belle Madame, et vous avez voulu exactement le contraire. Eh ! bien, voilà. Il y avait justement un pauvre qui avait très faim, à qui nul ne donnait et qui était le plus affamé des pauvres. Ce pauvre, c'était le Feu. Mains Notre-Seigneur Jésus-Christ en a eu pitié, il lui a envoyé sa bénédiction par le domestique de son Vicaire et, alors vous lui avez fait l'aumône somptueuse et tout à fait manifeste de vos savoureuses entrailles. Pour ce qui est de votre "droite" et de votre "gauche", soyez tranquille. La Parole s'accomplira au point que même vos larbins superbes et damasquinés ne parviendront pas à les distinguer l'une de l'autre et qu'il faudra attendre pour cela jusqu'à la Résurrections des Morts.
   Cum facis eleemosynam, noli tuba, canere ante te, sicut hypocritae faciunt in synagogis, et in vicis, ut honorificentur ab homonibus. Amen dico vobis, receperunt mercedem suam (2) (Matth.VI, 2)
-   Elle n'est pas non plus pour toi cette Parole, n'est-ce pas marquise ? Tout le monde sait que l'Evangile fut écrit pour la canaille, et tu aurais joliment reçu Celui qui aurait osé te conseiller de vendre in abscondito tes "trompettes" et tes falbalas pour le soulagement des malheureux ! Mais, tout de même, tu recevras "ta récompense" et, demain matin, ô vicomtesse, on vous ramassera à la pelle, avec vos bijoux et votre or fondus, dans les immondices...
   Ce qu'il y a d'affolant, de détraquant, de désespérant, ce n'est pas la catastrophe elle-même, qui est en réalité peu de chose auprès de la catastrophe arménienne, par exemple, dont nul, parmi ce beau monde, ne songeait à s'affliger.
Non, c'est le spectacle véritablement monstrueux de l'hypocrisie universelle. C'est de voir tout ce qui tient une plume mentir effrontément aux autres et à soi-même.

Enfin, et surtout, c'est le mépris immense et tranquille de tous à peu près sans exception, pour ce que Dieu dit et ce que Dieu fait.
   Le caractère spécial et les circonstances de cet événement, sa promptitude foudroyante, presque inconcevable, qui a rendu impossible tout secours et dont il y a peu d'exemples depuis le Feu du Ciel, l'aspect uniforme des cadavres sur qui le Symbole de la Charité s'est acharné avec une sorte de rage divine, comme s'il s'agissait de venger une prévarication sans nom, tout cela pourtant était assez clair.
   Tout cela avait la marque bien indéniable d'un châtiment et d'autant plus que des innocents étaient frappés avec des coupables, ce qui est l'empreinte biblique des Cinq Doigts de la Main Divine.
   Cette pensée si naturelle : Dieu frappe, donc il frappe avec justice, ne s'est présentée à l'esprit de personne, ou, si elle s'est présentée, elle a été écartée immédiatement avec horreur.
   Ah ! S'il s'était agi d'une population de mineurs, gens aux mains sales, on aurait peut-être vu plus clair, les yeux étant beaucoup moins remplis de larmes. Mais, des duchesses et des banquières qui "s'étaient réunies pour faire le bien", comme l'a dit positivement le généreux gaga François Coppée, songez donc, chère Madame !
   De son autorité plénière, le journal La Croix a canonisé les victimes. Rappelant Jeanne d'Arc (!!!) dont c'était à peu près l'anniversaire, l'excellent eunuque des antichambres désirables, le P. Bailly, a parlé de ce "bûcher où les lys de la pureté ont été mêlés aux roses de la charité".
   J'imagine que les chastes lys et les tendres roses auraient bien voulu pouvoir ficher le camp, fut-ce au prix de n'importe quel genre de prostitution ou de cruauté, et je me suis laissé dire que les plus vigoureuses d'entre ces fleurs ne dédaignèrent pas d'assommer les plus faibles qui faisaient obstacle à leur fuite.
   "Chacun pour soi, Madame !..." Ce mot a été entendu. C'était peut-être la Truie qui filait.
   Pour revenir à La Croix, ne vous semble-t-il pas André, que ce genre de blasphème, cette sentimentalité démoniaque appelle une nouvelle catastrophe, comme certaines substances attirent la foudre ? On ne fait pas joujou avec les formes saintes, et c'est à faire peur de galvauder ainsi le nom de Charité, qui est le Nom même de la Troisième Personne Divine.
   Voilà, cher ami, tout ce que je peux dire de cet incendie. Je vous remercie de m'avoir donné ainsi l'occasion de me dégonfler un peu. J'en avais besoin.
   Attendez-vous, d'ailleurs, et préparez-vous à de bien autres catastrophes auprès desquelles celle du Bazar infâme semblera bénigne. La fin du siècle est proche, et je sais que le monde est menacé comme jamais il ne le fut. Je dois vous l'avoir déjà dit, puisque je le dis à qui veut l'entendre ; mais, en ce moment, je vous le dis avec plus de force et vous prie de vous en souvenir.
   Erit enim tunc tribulario magna, qualis non fuit ab initio mundi usque modo, neque fiet... Orate  (3) (Matth., XXIV, 21)
Je vous embrasse... en attendant.

Mercure de France, 1903


1. "Mais lorsque vous ferez l'aumône, que votre main gauche ne sache point ce que fait votre main droite : afin que votre aumône soit dans le secret" (Matth VI, 3,4)

2. "Lors donc que vous donnerez l'aumône, ne faites point sonner la trompette devant vous, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues pour être honorés des hommes? Je vous dit en vérité qu'ils ont reçu leur récompense." (Matth. VI, 2)

3. "Car l'affliction de ce temps sera si grande, qu'il n'y en point eu de pareille depuis le commencement du monde, et qu'il n y aura jamais" (Matth., XXIV, 21)



mercredi 7 mars 2018

L'amour ne fait jamais défaut





  • Première lettre de Saint-Paul apôtre aux Corinthiens (extrait)

       Frères, parmi les dons de Dieu, vous cherchez à obtenir ce qu’il y a de meilleur. Eh bien, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres. 
       J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. 
       J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. 
       J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés,           j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.
       L’amour prend patience; l’amour rend service; l’amour ne jalouse pas; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil; il ne fait rien de malhonnête; il ne cherche pas son intérêt; il ne s’emporte pas; il n’entretient pas de rancune; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. Il ne fait jamais défaut. Les prophéties se périmeront. Les langues dépériront. L’intelligence s’abolira. L’intelligence a des limites, les prophéties ont des limites. Tout ce qui a des limites disparaîtra quand paraîtra ce qui est parfait. Quand j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Et puis je suis devenu homme, j’ai mis fin à l’enfance. Ce que je vois pour l’instant, je le vois comme dans un miroir, c’est obscur et confus, mais un moment viendra où je le verrai vraiment, face à face. Pour l’instant ce que je connais est limité mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Aujourd’hui il y a la foi, l’espérance et l’amour. Les trois. Mais des trois le plus grand c’est l’amour. »









jeudi 1 mars 2018

Barbarie polytechnique - Georges Bernanos









   « Les gouvernements prétendent convaincre les peuples qu’ils sont ingouvernables et, pour les rendre gouvernables, ils ne songent qu’à renforcer la puissance, déjà énorme, de l’État. Mais ce n’est pas l’État qu’ils renforcent, c’est l’Administration, qui deviendra bientôt cette équipe de techniciens tout-puissants, incontrôlables, irresponsables, instrument nécessaire de la prochaine, de la très prochaine dictature universelle.
Vous avez laissé s’organiser un monde où l’homme ne peut plus vivre qu’en troupeau.

   On a répété déjà bien des fois, et sur tous les tons, que l’Ordre en train de naître était un ordre inhumain. (…) L’humanité se trouve désormais divisée en deux parts, d’ailleurs très inégales. La première accepte, sous le nom de Progrès, cet Ordre, elle y a déjà conformé son esprit. La deuxième – ou plutôt ta poignée d’hommes qui la refusent – ne saurait rien lui opposer que son refus. La barbarie polytechnique menaçante n’a plus devant elle que des consciences. Mais les consciences ne sont pas des signes abstraits, elles s’incarnent, elles animent des êtres de chair et de sang, capables de souffrir et de mourir. La barbarie polytechnique, demain comme hier, reculera devant les Martyrs. »

Georges Bernanos

lundi 26 février 2018

Prière de Saint-Augustin






Ne pleure pas, si tu m'aimes !
Si tu savais le don de Dieu et ce que c'est que le ciel !
Si tu pouvais d'ici entendre le chant des Bienheureux,
et me voir au milieu d'eux !
Si tu pouvais voir se dérouler sous tes yeux
les immenses horizons et les nouveaux sentiers où je marche!
Si, un instant, tu pouvais contempler comme moi la Beauté
devant laquelle toutes les beautés pâlissent !
Quoi... ? tu m'as vu... tu m'as aimé dans le pays des ombres
et tu ne pourrais ni me revoir ni m'aimer
dans le pays des immuables réalités ?
Crois-moi, quand la mort viendra briser tes liens
comme elle a brisé ceux qui m'enchaînaient,
et quand, un jour que Dieu seul connaît et qu'il a fixé
ton âme viendra dans ce ciel ou l'a précédée la mienne...
ce jour-là, tu me reverras et tu retrouveras mon affection purifiée.
A Dieu ne plaise qu'entrant dans une vie plus heureuse,
je sois infidèle aux souvenirs et aux vraies joies
de mon autre vie et sois devenu moins aimant !
Tu me reverras donc, transfiguré dans l'extase et le bonheur,
non plus attendant la mort,mais avançant, d'instant en instant,avec toi,
dans les sentiers nouveaux de la lumière et de la Vie !

Alors... essuie tes larmes, et ne pleure plus... si tu m'aimes... !



mercredi 21 février 2018

Technologie de l'absurde contre l'activité spontanée


Peinture d'Ilya Glazounov



La vie est une fête de la totalisation sensuelle, de l’accouplement et de la pénétration mutuelle, de l’ouverture permanente. La mort, au contraire, est le passage de la réunion organique au stade inférieur de la division en éléments isolés- à l’intérieur d’un corps donné comme au sein de ses relations au monde extérieur. Toute la culture actuelle économico centriste du change est fondée sur les présomptions d’une action intentionnelle, convenue à l’avance et de pointe – sans stimulation matérielle garantie elle ne marche pas. En ce sens, c'est un éloignement de la vie, car cette dernière consiste en une activité spontanée, qui se déverse hors de ses limites, qui pousse à travers tous les obstacles. La paysannerie et son amour pour la terre représentaient une spontanéité de cet ordre.

Comparez l’ancien type paysan que les commissaires bolcheviques ont mis tant d’énergie à combattre – ces eunuques du harem appelé propriété socialiste, avec les nouveaux « agraires » auxquels nous avons affaire aujourd’hui.  Son drame est celui de la vie elle-même, que l’on a tranchée, tronquée, déracinée, stérilisée. Les commissaires ont adopté la technologie de l’absurde, et à l’éternelle liturgie paysanne de la terre nourricière ont opposé le jeu de l’absurde.

Au début, dans la période d’excédent, ils prenaient au paysan, qui venait de recevoir sa terre, toute sa récolte. Le travail devenait par là même absurde. Ensuite, dans la période de la collectivisation, les commissaires nécrophiles, sous les yeux des paysans, vouaient à sa perte le blé qu’ils leur avaient enlevé, en l’arrosant comme il convient. Le bétail confisqué mourait de faim dans les parcelles collectives, les récoltes confisquées pourrissaient ou brûlaient. Ce théâtre de l’absurde, organisé avec une sombre et mauvaise jubilation de nécrophiles devant la vie profanée dura des décennies.
On semait du lin, seulement pour le récolter à l’automne et le brûler. Au temps de « l’épopée du maïs », sous Khrouchtchev, des superficies de terre étaient dévastées pour être occupée par le « roi des champs » qui trompait la science et ne donnait rien. Après la famine monstrueuse des années 30, qui avait commencée à la suite de la collectivisation générale, le pouvoir décida de céder momentanément à « l’instinct de propriété ». On accorda aux paysans de misérables parcelles de jardin, moins de 1% des surfaces cultivables du pays. C’était un petit oasis de vie dans le royaume de la scholastique socialo-bureaucratique mortifère. Et cet oasis nourrissait de ses sucs le pays exsangue, fournissant près de 40% de toute la production agraire. Mais cette petite revanche suscita aussitôt l’agitation et la haine des eunuques du communisme, qui commencèrent à exiger pour chaque poule élevée, chaque arbre fruitier planté un impôt qui excédait des dizaines de fois le « bénéfice » possible du paysan.

Le foyer paysan misérable était isolé et bloqué par tous les efforts d’une armée mobilisée de surveillants-expropriateurs. Il était interdit de mener le bétail au pré, on ne pouvait faucher pour le nourrir que dans des endroits peu commodes, au hasard, près des ravins, et encore en cachette, avec les coups d’œil traqués qui accompagnent les pratiques illégales et honteuses.  La réaction rationnelle à cette censure omniprésente et qui ne connaissait pas la pitié envers les manifestations de la vie eût été de tout laisser tomber, de partir à la ville et de passer dans les rangs de la bureaucratie et de la technocratie victorieuses.

Beaucoup le firent. La différenciation socialiste distingue et oppose deux parties de la paysannerie : celle qui, à la vie et au travail de la terre réels a préféré le « travail du texte »- l’activité bruyante d’innombrables activistes des jeunesses communistes, des propagandistes, des agitateurs, des organisateurs, des agents de terrain, des contrôleurs – et celle qui est restée fidèle à la vie même du peuple et au-delà de cela, à l’ordre cosmique. Quelle force vitale, quelle énergie de l’éros fallait-il pour continuer, dans les circonstances de la nécrophilie inlassable des commissaires, son affaire de paysan, qui transforme le corps et la volonté en un organisme cosmique, en l’expression de la nature opprimée, assiégée par la technosphère !

Dans la logique de la modernité, on pourrait évaluer la différenciation de la paysannerie asservie et l’expliquer par les critères de la « mobilité sociale ».
S’en allaient à la ville, en quittant la terre pour toujours, les plus mobiles, les plus adaptables, les plus réactifs aux appels de la modernité avec toute son « école du succès » rationaliste. Mais une réflexion contemporaine plus mûre  nous découvre des secrets inaccessibles à la sociologie traditionnelle. Selon quelque critère supérieur, ceux qui restaient sur la terre devraient être reconnus comme les meilleurs conservateurs du feu cosmique chancelant qui répond de la continuation de notre existence.

La question de ce que la campagne a donné à la ville industrielle se pose d’une nouvelle façon.  Du point de vue du positivisme sociologique, elle lui a simplement donné la masse physique d’une nouvelle force de travail. Du point de vue de la nouvelle métaphysique du cosmisme, elle l’a gratifié du type d’homme que la ville actuelle n’est plus en état de former : celui qui apporte au monde l’offrande de son activité spontanée et désintéressée, de sa réceptivité et de sa curiosité  insatiables,  de son empathie et de sa participation, en un mot, de cette ouverture à la vie sans laquelle la production sociale n’est, au sens propre, pas possible. Car la production se fonde sur deux aspects :

1) sur l’ouverture des gens à la nature, au dialogue difficile et plein de sens auquel ils doivent être constamment prêts ;
2) sur l’ouverture  des uns aux autres, sans laquelle une coopération sociale quelque peu  développée et efficace n’est pas possible.

Aujourd’hui, nous sommes menacés par une véritable paralysie de la production sociale.
La domination du paradigme de Saussure,- la séparation du signifié et du signifiant, est le signe d’une phase nouvelle et inattendue des relations entre la nature et la culture. La maladie de la naturophobie prends le dessus sur la culture, elle ne se sent déjà plus les forces de « lutter avec la nature » et de répondre à ses défis par les exploits de nouvelles découvertes fondamentales, découvertes ou révélations artistiques.

La nouvelle culture, qui s’isole elle-même et craint de goûter à tout ce qui est primordial, cosmique et naturel, passe sa commande sociale à la technique : isoler la personnalité du milieu naturel et de toutes dépendances naturelles, la faire entrer entièrement dans un texte artificiellement construit. Comme l’écrit V. Koutyriev, « il faut regarder la vérité dans les yeux : la partie « d’avant-garde », progressiste de l’humanité se transforme en matériau de base du monde informatique et s’apprête, comme l’y invitait l’académicien V. Glouchkov », à « entrer dans la machine ». 

Alexandre Panarine, la Civilisation Orthodoxe, chapitre II





samedi 17 février 2018

Prière avant l'étude







« Créateur ineffable, qui, des trésors de Votre Sagesse
Avez élu trois hiérarchies d'anges
Et les avez établies dans un ordre admirable au-dessus des Cieux,
Qui avez disposé avec tant de beauté les parties de l'Univers.
Vous que l'on appelle
La Vraie Fontaine de Lumière et de Sagesse
Et le Principe suréminent.
Daignez verser sur les ténèbres de mon intelligence un rayon de Votre Clarté.
Écartez loin de moi la double obscurité où je suis né
Le péché et l'ignorance.
Vous qui rendez éloquente la langue des petits enfants
Façonnez ma parole et versez sur mes lèvres la grâce de votre bénédiction,

Donnez-moi la pénétration de l'intelligence
la faculté de me souvenir
la méthode et la facilité de l'étude
la profondeur de l'interprétation
et une grâce abondante d'expression.

Fortifiez mon étude,
Dirigez-en le cours, parfaites-en l'issue.
Vous qui êtes Vrai Dieu et vrai homme
Et qui vivez dans les siècles des siècles.

Amen »


Saint-Thomas-d'Aquin


mercredi 14 février 2018

Fulton Sheen et l'Antéchrist





Fulton Sheen et l’Antéchrist
Une analyse qui ressemble fort à une prophétie….


Mgr Fulton Sheen au sujet des faux prophètes et de l’Antéchrist dans son ouvrage « Le communisme et la conscience de l’Occident » écrit dans les années 1940. Saisissante prescience de ce qui allait se produire dans les années à venir….

" Il va tenter les Chrétiens avec les trois mêmes tentations avec lesquelles il a tenté le Christ. La tentation de transformer les pierres en pain comme des Messies terrestres deviendra la tentation d’échanger la liberté pour de la sécurité, de faire du pain une arme politique où ceux qui ne pensent pas comme lui en seront privés.

La deuxième tentation : faire un miracle en se jetant imprudemment du sommet du Temple de Jérusalem deviendra un moyen de déserter les pinacles nobles des Vérités où la Foi et la raison règnent en direction des bas-fonds où les masses vivent par des slogans et de la propagande. Il ne veut pas de proclamation de principes immuables des hauteurs du sommet du Temple, mais une organisation de masse par le biais de la propagande là où un seul homme ordinaire dirige les idiosyncrasies de l'homme ordinaire. Les opinions et non pas les vérités, des commentateurs et non pas des enseignants, des sondages Gallup et non pas des principes, la nature et non pas la grâce — les hommes se virent vers ces veaux d'or plutôt que vers leur Christ. 

La troisième tentation où Satan a demandé au Christ de l'adorer et tous les royaumes du monde Lui seraient donnés, deviendra la tentation d'avoir une nouvelle religion sans une Croix, une liturgie sans monde à venir, une religion qui détruira une religion ou une politique qui est une religion — une religion qui rend à César même les choses qui sont à Dieu.

Mgr Fulton Sheen a dit en 1950 : « Nous vivons dans les jours de l'Apocalypse — les derniers jours de notre époque .... Les deux grandes forces du Corps Mystique du Christ et du Corps Mystique de l'Antéchrist commencent à établir leurs lignes de bataille pour la lutte catastrophique ». (T & L. Flynn Le Thunder de la Justice. Maxkol Communications, Sterling, VA, 1993, p. 20)

En outre, il a dit : « Le Faux Prophète aura une religion sans Croix. Une religion sans un monde à venir. Une religion pour détruire les religions. Il y aura une église de contrefaçon. L’Église du Christ [l'Eglise Catholique] sera Une. Et le Faux Prophète va créer l'autre. La fausse église sera mondaine, œcuménique et mondiale. Ce sera une fédération d'églises. Et les religions formeront un certain type d’association mondiale. Un parlement mondial des églises. Elle sera vidée de tout contenu divin et sera le corps mystique de l'Antéchrist. Le Corps Mystique d’aujourd'hui sur la terre aura son Judas Iscariote et il sera le faux prophète. Satan le recrutera parmi nos évêques ».

Mgr Fulton Sheen sur l’Antéchrist :

« L'Antéchrist ne sera pas appelé ainsi ; sinon, il n’aurait pas d’adeptes. Il ne va pas porter des collants rouges, ni vomir du soufre, ni porter un trident ni secouer une queue fléchée comme Méphisto dans l’opéra de Faust. Cette mascarade a aidé le diable à convaincre les hommes qu’il n'existe pas. Quand personne ne le reconnaît, il exerce plus de puissance. Dieu s’est défini comme « Je suis celui qui suis » et le Diable comme « Je suis celui qui ne suis pas ».

Nulle part dans les Saintes Écritures nous ne trouvons caution au mythe populaire du Diable comme étant un bouffon qui est habillé comme étant le premier « en rouge ». Il est plutôt décrit comme un ange déchu du Ciel, comme « le Prince de ce monde» dont l’occupation est de nous dire qu'il n'y a pas d'autre monde. Sa logique est simple : s'il n'y a pas de Ciel, il n'y a pas d'enfer ; s'il n'y a pas d'enfer, alors il n'y a pas de péché ; s'il n'y a pas de péché, il n'y a donc pas de juge et s'il n'y a pas de jugement, alors le mal est un bien et le bien est un mal. Mais au-dessus de ces descriptions, Notre Seigneur nous dit qu’il sera tellement comme Lui-Même que ça pourrait même tromper les élus — et c’est certain qu’aucun diable dans les livres d'images ne pourrait jamais tromper même les élus. Comment va-t-il entrer dans cette nouvelle ère pour gagner des disciples à sa religion ?

La croyance Russe pré-communiste est à l’effet qu’il va venir déguisé comme le Grand Humanitaire ; il va parler de paix, de prospérité et d'abondance non pas comme des moyens pour nous conduire à Dieu, mais comme des fins en soi. . . 

. . . La troisième tentation où Satan a demandé au Christ de l'adorer et tous les royaumes du monde Lui seraient donnés, deviendra la tentation d'avoir une nouvelle religion sans une Croix, une liturgie sans monde à venir, une religion qui détruira une religion ou une politique qui est une religion — une religion qui rend à César même les choses qui sont à Dieu.

Au milieu de tout son amour apparent pour l'humanité et de son discours spécieux sur la liberté et l'égalité, il va avoir un grand secret qu’il ne dira à personne : il ne croira pas en Dieu. Parce que sa religion sera la fraternité sans la paternité de Dieu, il va tromper même les élus. Il va mettre en place une Contre Église qui singera l'Église parce que lui, le diable, est le singe de Dieu. Cette Contre Église aura toutes les expressions et les caractéristiques de l'Église, mais de façon inversée et vidée de son contenu divin. Ce sera un corps mystique de l'Antéchrist qui ressemblera dans tous ses aspects extérieurs au Corps Mystique du Christ. . . 

. . . Mais le XXe siècle se joindra à la Contre Église parce qu'elle prétend être infaillible lorsque son chef visible parle ex Cathedra depuis Moscou sur le thème de l'économie et de la politique et à titre de Berger en Chef du Communisme mondial ».





John Fulton Sheen (1895 / 1979) était un archevêque américain qui avait compris en son temps l'importance de la radio et la télévision pour transmettre l'Evangile (jusqu'à trente millions de téléspectateurs). Ses émissions sont devenues très populaires aux Etats-Unis. On lui doit aussi de nombreux livres. Il a été déclaré "vénérable" par Benoît XVI et sa cause en canonisation a été ouverte en 2002. On lui attribue la survie miraculeuse d'un enfant déclaré mort né dans son ancien diocèse de l'Illinois. Après la naissance de leur enfant inanimé en 2010, ses parents ont prié en invoquant Fulton Sheen, et le coeur de l'enfant s'est remis à battre une heure après sa naissance sans que les médecins ne puissent expliquer pourquoi. 

Pour une raison inexpliquée, la cause en béatification de Sheen a été suspendue en 2014 suite au refus de l'archidiocèse de New-York de rapatrier la dépouille du télévangéliste en Illinois d'où il était originaire. 

J'ai mon idée : quand on sait qui en 2014 était Pape, on a un bon début de réponse !




" Une religion qui n'interfère pas avec l'ordre séculaire va vite découvrir que l'ordre séculaire ne s'abstiendra pas d'interférer avec elle."





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