mercredi 21 juillet 2021

Pourquoi les gens ont un problème avec le Novus Ordo ?

 


Par Steve Skojec

Dès que le nouveau rite de la messe a été introduit en 1969, des batailles concernant la liturgie ont suivi.

Mais quelque chose a changé : nous avons atteint un moment critique dans l'histoire de l'Église, à savoir la reconnaissance répandue que, simplement parce qu'un pape dit ou fait quelque chose ne signifie pas simplement que c'est le meilleur intérêt de l'Église ou des fidèles. Par conséquent, c'est un temps opportun pour nous afin d'envisager encore si les changements à la messe qui ont été imposés à l'Église en 1969 étaient en fait bons parce que le pape nous les avait données.

Les termes trompeurs de forme « ordinaire » et « extraordinaire » - qui viennent du motus proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI en 2007- fournissent une couverture d'euphémisme à une dissonance liturgique sans précédent à l'intérieur du rite romain ; deux liturgies, l'une sacrée et éprouvée par le temps comme le fruit d'un développement organique, une autre créée par un comité avec un but clairement rhétorique, en porte-à-faux avec la compréhension historique de la liturgie pendant les deux mille ans de l'Église.

Je suis conscient que de nombreux lecteurs ici continuent, que ce soit par choix ou parce qu'ils n'ont pas d'autres options, à assister à la messe dite « Novus Ordo » ou « forme ordinaire. » Ils lisent nos articles et partagent nos préoccupations sur l'état de l'Église à bien des égards, mais pour certains, notre préoccupation avec la structure de la liturgie subsiste en tant que pierre d'achoppement. Et je demande à ces lecteurs en particulier de rester avec moi, s'ils le veulent, pour que je puisse essayer de mieux expliquer pourquoi ce champ de bataille se situe où nombre de nos efforts sont dépensés.

Ces derniers jours, je me suis retrouvé dans un certain nombre de discussions sur divers sujets. Chose curieuse, il semble que l'opinion catholique « traditionaliste » sur l'importance de la liturgie agace souvent quand elle fait partie du débat. Dans un exemple, dans une partie d'une discussion plus large sur la corruption dans l'Église institutionnelle, un homme m'a dit : « Vous êtes tellement similaire à un cher ami prêtre qui adore la messe traditionnelle en latin et pense que son retour va résoudre les problèmes humains dans l'Église. Son amertume risque d'anéantir sa foi. La votre est en danger pour la même raison. »

On ne parlait pas de liturgie, pourquoi donc tant de débats s'y fourvoient sans autre issue ?

Vous avez sans aucun doute entendu le sentiment auquel mon interlocuteur se réfère : « Sauvez la liturgie, sauvez le monde. » C'est bien sûr une simplification excessive, mais pas une simplification grossière. Ce serait une erreur critique de sous-estimer la signification de la liturgie dans nos vies. Comme je l'ai écrit dans mon article Why Liturgy Really is the Key to Everything (Pourquoi la liturgie est vraiment la clé de tout) :

« Une compréhension appropriée de la liturgie nous relie à une connaissance correcte de notre place dans l'univers. La liturgie qui met l'accent sur le sacrifice de Notre Seigneur et nous place mentalement et spirituellement devant la croix sur le Calvaire nous rend humble et réceptifs à notre dépendance absolue à Dieu pour toutes les bonnes choses, en particulier notre salut. La liturgie où le prêtre, comme les gens, sont orientés vers les Cieux et où les choses sacrées sont dissimulées, enveloppées et vénérées d'une façon appropriée, nous enseigne sur ce que nous sommes – et quels devoirs nous avons – en relation à Lui de qui sont issues toutes les bonnes choses et à qui nous devons faire confiance lorsque nous n'avons pas d'autres choix que de cheminer avec la foi plutôt qu'avec la vue. La liturgie devrait nous faire sentir petits, comme pénétrants dans les grands édifices de la Chrétienté. »

Et réciproquement :

« L'attaque sur la liturgie dont nous avons été témoins depuis plus d'un demi-siècle peut être comprise comme n'étant rien d'autre qu'une tentative diabolique de frapper au cœur de notre connexion la plus importante et la plus intime avec Notre Créateur – et également pour nous déconcerter et nous désorienter par cette perte de perspective. On nous a livré à l'idolâtrie – l'idolâtrie du soi, pour que nous voyons le monde uniquement par le prisme de nos propres désirs. Le sacrifice du Christ a été remplacé par de la nourriture et de la camaraderie, Son autel d'oblation transformé en table, Sa prêtrise frelatée par ces personnes qui s'ingèrent dans le domaine du prêtre mais qui ne possèdent pas la faculté d'agir in persona Christi, l'orientation universelle du prêtre et des gens vers Dieu s'est tournée vers l'intérieur pour qu'essentiellement, nous parlions seulement de nous-mêmes, et presque chaque acte de révérence pour le sacré a été éliminé. 

Le Christ demeure présent dans cette liturgie réinventée, banalisée et centrée sur l'homme, mais il est ignoré, oublié, maltraité et éclipsé. Comme Cain, nous ne pouvons plus offrir ce qu'on a de mieux, mais le garder pour nous-mêmes. Quiconque essaye d'offrir à Dieu ce qu'il mérite, comme Abel, rencontre la jalousie, le mépris et même la violence.

(…)

« Les architectes de la liturgie « nouvelle et améliorée » de l'Église savaient exactement ce qu'ils faisaient. Et ils ont réussi. Ils ont, d'un seul coup, changé l'édifice entier de l'Église en une fondation de sable. Et maintenant que cette édifice s'effondre et la foi avec elle, ils se précipitent en nous disant que les autres vérités de notre foi ne sont rien de plus que des « idéaux » trop durs pour profiter de la vie, que parce que les choses se sont tellement éloignées, nous devons désormais trouver des façons d'accepter et œuvrer avec les situations « telles qu'elles sont. » En détruisant notre compréhension de notre relation avec Dieu, l'acte central de la prière de l'Église, ils ont tout ébranlé et bien d'autres choses encore. Désormais, après un demi siècle de démolition, ils sont en train de démanteler ce qui reste de la foi quasiment sans résistance. »

La messe : il ne s'agit pas de nous

L'humanisme est, sans aucun doute, l'une des caractéristiques qui définissent l'Église post-conciliaire et il met en priorité les intérêts de l'homme sur ceux de Dieu – exactement ce dont Notre Seigneur a accusé St Pierre lorsqu'il lui a dit : « Retire-toi de moi, Satan ! » (Mt. 16:23)

Par exemple, comment vous sentiriez vous au sujet de cette opinion si vous l'entendiez d'une chaire ? : « Selon l'opinion quasi unanime des croyants comme des incroyants, toutes choses sur terre doivent être reliées à l'homme comme leur centre et leur clé de voûte. »

Et si ce n'était pas d'une chaire ? Et si cela venait de la constitution pastorale du Concile Vatican II sur l'Église dans le monde moderne, Gaudium et Spes, paragraphe 12 ?

N'y a-t-il pas quelque chose de curieux qui vous frappe dans cette assertion ? Si c'est le cas, vous n'êtes le pas le seul. Le Christ est le centre de toutes choses, même sur terre et non pas l'homme. Cette inversion dans la compréhension philosophique permet d'expliquer bien des nombreux problèmes que nous voyons dans l'Église aujourd'hui. Ce sentiment, exprimé maintes fois tant en mot qu'en acte, s'est renforcé seulement dans les années intermédiaires. Nous sommes désormais à un point où un document papal – Evangelii Gaudium 161 – qui explique que l'amour de son voisin est le premier et le plus grand commandement alors que les Écritures indiquent clairement que c'est l'amour de Dieu le premier et le plus grand.

Nous nous tournons vers nous-mêmes. Nous avons commencé, consciemment ou non, à s'adorer nous-mêmes.

Bien sûr, nous avons été avertis que cela arriverait. L'Instruction permanente de la Haute Vente – un groupe italien étroitement associé avec la franc-maçonnerie au XIXe siècle – a indiqué clairement ses intentions en 1859, lorsqu'elle a parlé de ses buts en infiltrant l'Église catholique :

« Dans quelques années, le jeune clergé aura, par la force des choses, envahi toutes les fonctions. Ils gouverneront, administreront et jugeront. Ils formeront le Concile du Souverain. Ils seront appelés à choisir le pontife qui régnera ; et ce pontife, comme la plus grande partie de ses contemporains, sera nécessairement imprégné par les... principes humanitaires qui sont sur le point d'être mis en circulation... Laissons le clergé marcher sous votre bannière dans la croyance qu'il marche toujours sous la bannière des Clés apostoliques. Vous souhaitez causer la disparition du dernier vestige de la tyrannie et de l'oppression ? Posez les filets comme Simon Barjona. Posez les aux fins fonds des sacristies, des séminaires et couvents, plutôt que dans la profondeur de la mer... Vous viendrez en amis autour de la Chaire apostolique. Vous pêcherez une Révolution en tiare et en chape, marchant avec la Croix et la Bannière – une Révolution qui aura seulement besoin d'être un peu aiguillonnée pour mettre les quatre coins du monde en feu. » (Nous soulignons)

Le Novus Ordo, par dessein, évacue l’ethos du sacrifice de la liturgie, et tourne son attention sur lui-même, vers l'homme. Vers la communauté et le partage du repas. Vers le changement de l'autel du sacrifice vers une table à souper. Vers l’apaisement des différences théologiques entre les religions. Vers l'inclusivité, et autres préoccupations humaines. Dans sa forme la plus pure – souvent évoquée par ceux qui disent qu'il peut être « bien célébrée » - il peut répandre parmi les altérations les plus problématiques que nous voyons habituellement : versus populum, vernaculaire total, les laïcs dans le sanctuaire, de la musique contemporaine banale au lieu de sacrée, la communion dans la main, la communion debout, et ainsi de suite. Néanmoins, même offerte en grande partie en latin, ad orientem, il conserve les changements faits aux prières essentielles de la messe, évacue les rubriques et les gestes qui valorisaient un aussi profond respect sacramentel, enlève la supplication du prêtre (prières aux pieds de l'autel) et des gens (les multiples confiteor), dilue l'offertoire, et utilise des prières non-catholiques mêlées partout. Comme l'architecte Annibale Bugnini l'avait expliqué, il devait dépouiller les pierres d’achoppement pour les non-catholiques pour qu'ils trouvent la liturgie approchable. Ce qui signifie que l'identité distinctement catholique de la liturgie catholique a été enlevée de manière chirurgicale. (Pour ceux qui seraient intéressés à la comparaison des prières dans les deux formes, voir ce texte juxtaposé).

Je dis cela pour n'offenser personne mais je pense que c'est vrai de façon sans équivoque : la soi-disante « forme ordinaire » est une liturgie inférieure, non seulement à celle qu'elle cherche à remplacer, mais aux autres rites de l'Église. Allez dans une paroisse byzantine, ukrainienne, melchite ou chaldéenne et vous y trouverez des liturgies similaires les unes les autres, et à l'ancienne messe romaine. Vous ne trouverez rien qui vous rappelle le Novus Ordo – mais vous en trouverez des réminiscences dans de nombreuses églises luthériennes, dont certaines utilisent des variations du même texte liturgique.

Il n y a pas de façon aisée de le dire : la nouvelle messe est un artifice ; c'est une construction moderne créée de toute pièce, et non pas le fruit d'un quelconque développement théologique organique à travers les siècles. Ratzinger en a fait une description bien connue, celle d'une « fabrication, un produit banal du moment. » Mais même le pape Paul VI, qui était directement responsable de sa promulgation, a reconnu implicitement sa nature invasive et contre-intuitive dans son audience générale du 29 novembre 1969 :

« Ce changement affectera les cérémonies de la messe. Nous devons en être conscients, sans doute avec quelque sentiment d'ennui, que les cérémonies à l'autel ne sont plus menées avec les mêmes mots et gestes auxquels on a été habitués – sans doute tellement accoutumés que l'on ne faisait plus attention à eux. Ce changement touche aussi le croyant. Il est conçu pour intéresser chacun de ceux qui sont présents, de les sortir de leurs dévotions personnelles coutumières ou de leur torpeur habituelle.

Nous devons nous préparer à ce désagrément à multiples facettes. C'est le genre de malaise causé par toute nouveauté qui interrompt nos habitudes. Nous remarquerons que des personnes pieuses sont très perturbées, car elles ont leur propre façons respectable d'assister à la messe, et elles seront ébranlées dans leurs pensées habituelles et obligées de suivre celles des autres. Même les prêtres pourraient ressentir quelque irritation dans ce contexte. »

La vérité, c'est de nombreux fidèles n'ont jamais arrêtés d'être irrités, et le jeune fidèle qui découvre la liturgie pérenne de l'Église découvre cette même irritation à nouveau. Ce dont le fidèle avait été privé, ce n'est pas de la « torpeur » mais de la dévotion authentique. De la vénération. De la supplication. On leur a donné une pierre au lieu de pain, un gong retentissant, un symbole fracassant, non pas un signe d'amour et une expression de véritable vénération et de dévotion à Dieu qui nous a tant aimé qu'Il a tout offert par Sa mort sur la croix pour l'expiation de nos péchés – un sacrifice rendu présent sur chaque autel catholique, mais pas traité avec le même effroi et émerveillement par chaque liturgie.

Il y a eu beaucoup de discussion sur tel ou tel aspect de la nouvelle liturgie qui serait en fait plus traditionnel, plus en conformité avec le christianisme historique. Ces arguments seront toujours débattus car les informations que nous avons sur la liturgie des temps apostoliques sont quelque part limités.

Mais comme Martin Mosebach l'écrit dans son Hérésie de l'informe :

« Cependant, si nous pensons correctement et historiquement, nous devrions nous rendre compte que ce qui est une expression de vénération dans une période peut être une expression de blasphème dans une autre. Si les gens qui s'agenouillent depuis mille ans se mettent soudainement sur leurs pieds, ils ne vont pas penser : « Nous faisons cela comme les premiers chrétiens, qui se levaient pour la Consécration. » Ils n'ont pas conscience de retourner vers quelque authentique forme d'adoration. Ils vont simplement se lever, épousseter leurs jambes de pantalon et se dirent : « Après tout ce n'était pas si important que ça. » Tout ce qui se déroule dans les célébrations de ce genre impliquent la même chose : « Après tout, ce n'était pas si important. » Dans de telles circonstances, anthropologiquement parlant, il est quasiment impossible pour la foi dans la présence du Christ dans le sacrement d'avoir une quelconque signification spirituelle plus profonde, même si l'Église continue à le proclamer et même si les participants de telles célébrations vont si loin qu'ils l'affirment explicitement. »

Le retour de la liturgie sacrée à l'Église ne résoudra pas tous « les problèmes humains de l'Église, » c'est vrai ; mais ce sera un pas significatif dans cette direction. Un peuple qui vénère Dieu d'une manière appropriée ont plus de chance de reconnaître l'importance d'honorer Ses préceptes qui s'étendent au delà du cadre de l'obligation dominicale. C'est ne pas à cause d'une préoccupation pour une préférence personnelle, du latin ou un amour pour le désuet que les catholiques traditionnels – nombre d'entre eux étant trop jeunes pour se souvenir de l'époque où l'ancienne messe était la liturgie normative du catholicisme romain – sont amenés à ce qu'elle représente. C'est un rempart contre les séductions du monde, une expérience qui nous transporte hors de notre existence quotidienne à travers le temps au pied de la Croix sur le Calvaire et nous laisse tout tremblant d'effroi sur ce qui a été à notre encontre, nous motivant et nous inspirant de porter cette mission hors des paroisses et dans un monde endommagé – un monde qui a besoin du plein pouvoir et de la majesté du sacrifice rédempteur du Christ.

(Publié initialement le 30 juillet 2018)


Source : https://onepeterfive.com/why-do-people-have-a-problem-with-the-novus-ordo/










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés