mardi 15 janvier 2019

2018 (2) - un printemps électrifié



   Pâques avait vraiment ressemblé à Pâques, la neige, tombée en abondance la veille, fondait à toute vitesse ce qui avait permis aux enfants de faire la chasse aux oeufs. Le soleil était réapparu. On aurait dit que tout allait éclore d'un coup. Les jours suivants - le mois d'avril tout entier en fait - avait disparu de sa mémoire ou presque. Elle se souvenait seulement qu'elle s'était rendue chez ses parents à 400 kilomètres de là pour les vacances des enfants. 
Normalement, elle ne venait jamais là-bas à cette période, préférant des excursions dans la région où elle vivait avant l'arrivée des hordes de touristes. Mais en ce printemps-là, elle avait besoin de se changer les idées. Elle se sentait prisonnière de points de fixation  dont elle n'arrivait pas se débarrasser malgré des analyses fines et des indices que le monde virtuel d'internet lui distribuait généreusement, souvent sans qu'elle le demande, ce qui l'amenait à penser que le Très-Haut agissait mais lui imposait des épreuves délicates.

   Début 2019, elle se souvenait seulement que les vacances s'étaient prolongées plus longtemps que prévu et que le dernier jour, elle avait, avec sa mère, son compagnon et ses enfants, fait un pique-nique dans un village ravissant niché dans une vallée mais le pique-nique avait fini prématurément à cause d'un orage. Cette période fut remarquable par le nombre d'orages qui s'y déclencha et le temps demeura dans l'incertitude des semaines et des semaine pendant ce printemps électrifié.



le lieu de pique-nique - St Gervazy (63)

   Après s'être réfugié dans leurs voitures et avoir roulé un peu au hasard, les promeneurs étaient arrivés dans un autre village, perché au dessus d'une large vallée, douce, aux larges horizons harmonieux, un paysage typique de cette région. 

Le haut du village était abondamment équipé de tout ce que la société française moderne réclamait : une école républicaine flambant neuve, une aire de jeu et un terrain de sport avec un parcours de santé. Il y avait aussi des tables de pique-nique. 

L'école portait le nom de celle qui avait permis de tuer les enfants à naître et le drapeau européen claquait fièrement au vent. L'école était vaste, spacieuse avec des grandes fenêtres et hormis le paysage riant très français, on aurait dit une école scandinave. Les loges avaient du y mettre le paquet ! 

   Comme l'orage s'était éloigné, un air tiède et doux avec jusque ce qu'il faut d'humidité lui fit le plus grand bien. Les enfants jouaient au basket avec leur père. Au fond, les choses pouvaient être très simples.


Augnat (63)

   Après le retour à la maison, le temps continua dans l'inattendu permanent comme dans un pays celtique. Le paysage était verdoyant, les sorties incertaines et rares. Vers la fin du mois de mai, l'ambiance celtique devint tropicale : les orages étaient de plus en plus violents. 

   L'un de ses fils scolarisé dans un lycée technologique devait faire de la danse contemporaine dans le cadre de ses cours d'éducation physique ce qu'il avait refusé. A une époque pas si lointaine, le corps enseignant savait qu'un adolescent raffole surtout de sports classiques comme la natation ou l'athétisme et surtout de sports collectifs plutôt virils pour les garçons, comme le football et le rugby, mais le mot "viril" était devenu un blasphème en 2018. Bien des gens consultés sur le réseau social était d'accord avec elle : la virilité naissante des adolescents était attaqué. 

   A cette époque-là, le pays qu'elle chérissait le plus, hormis le sien, basculait pour de bon dans la modernité, comme une citadelle  en granit massif s'écroulant soudainement et les écoles du pays allaient certainement abandonner leurs noms évoquant les saints et la Vierge Marie pour prendre des patronymes évoquant des gens qui croyaient que l'on pouvait usiner et contrôler la vie comme la production de voitures ou d'ordinateurs à l'image des écoles républicaines françaises. Nos loges pouvaient être fières car elles avaient été d'avant garde. 

   Elle avait beaucoup prié et avait même eu des visions. 

   Malgré les coupures intempestives du réseau internet du aux orages, c'est le virtuel qui lui apporta de nouvelles clés à l'énigme qui la poursuivait depuis des années et ce fut l'occasion de lui rappeler que c'était de vrais humains derrière l'écran qui lui envoyait des messages. Des gens avec des sentiments et des complexités. Le réseau social au nom ridicule lui avait servi à s'informer sur la marche du monde et de la logique à l'oeuvre, où l'attaque contre la virilité des jeunes garçons, qui faisait partie de l'agenda, était bien expliqué. Les liens immatériels qu'elle entretenait avec certaines personnes commençaient à évoluer ou a changer de nature. On tentait de franchir ou de contourner le mur. Pendant le Carême, un petit magazine en ligne avait publié un de ses écrits où elle expliquait que les réseaux sociaux avaient été crée dans un but sataniste mais que les anges s'y étaient immiscé subrepticement. Il fallait rester optimiste. Elle en eu des preuves patentes ce printemps-là juste avant que le réseau internet de son village tombe finalement en panne de façon durable à cause de la violence des orages. Les orages répétés avait eu raison du réseau internet de son village et de bien d'autres autour. Elle se senti comme hébétée par l'absence de ce monde à la fois parallèle et réel et les fantasmes de l'élite se heurtaient sur le mur du réel : le virtuel était animé par des vraies personnes et les sentiments que cela provoquaient, tout déstabilisant qu'ils étaient parfois, restaient humains, désespérément humains, trop en tout cas pour les égrégores de l'intelligence artificielle, des nomades déracinés et de l'homme augmenté.

   Une partie de juin ressembla à une colère indomptable. Le 2, un orage fit particulièrement peur à l'auteur de ces lignes, le 8, il provoqua un éboulement sur l'unique route qui la reliait à la ville, lieu où elle trouvait un moyen de connecter à internet, les éclairs tombaient sur tout ce qui dépassait, arbres, poteaux électriques, pitons rocheux, collines et montagnes. La grêle se fracassait sur ses fenêtres qui cependant ne cédèrent point. 





Les choses ne se calmèrent que début juillet pour le début de l'été et la connexion internet avait été enfin rétablie.


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