Texte d'actualité écrit il y a un peu plus d'un siècle
Taper le mot "totalitarisme" sur un moteur de recherche renvoie inévitablement sur des images de Staline et Hitler, sauf celle-ci. Bien qu'ayant été des authentiques dictateurs et héritiers des lumières, Staline et Hitler sont désormais deux croquemitaines qu'on nous agite pour nous rappeler que notre époque ne serait pas totalitaire et ne serait pas en voie de l'être, est-ce si sûr ?
" J.J. Rousseau s'inscrivit en faux contre ces données de la raison et de la foi ; et voici ce qu'il imagina, ce qu'il consigna dans tous ses écrits, et ce que la maçonnerie s'est donné la mission de réaliser. La société, l'état social, ne résulte point de la constitution divine ; c'est, dans le monde, une excroissance accidentelle et l'on pourrait dire contre nature, qui est survenue un beau jour par le fait des volontés humaines.
Les hommes vivaient à l'état de nature, dit J.J. Rousseau, comme le font les sauvages, les animaux, et c'était l'âge d'or ; état de liberté et d'égalité, où les fruits étaient à tous et la terre à personne, où chaque homme était citoyen de l'univers.
Pour passer de l'état de nature à l'état social, les hommes primitifs firent un pacte, un contrat, "le contrat social". D'une part, chaque individu se remit, sa personne et tous ses droits, entre les mains de tous ; d'autre part, tous garantirent à chacun une part égale des biens communs. L'individu donna à la société tout ce qu'il a et tout ce qu'il est, et la société admit l'individu à la communion de toute la chose publique, de la république.
"Les clauses du pacte social, dit J.J. Rousseau, se réduisent toutes à une seule : l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté... S'il restait quelques droits aux particuliers, l'état de nature subsisterait et l'association deviendrait nécessairement vaine... L'aliénation se faisant sans réserve, l'union est aussi parfaite qu'elle peut l'être, et nul associé n'a plus rien à réclamer."
Voilà l'idée que la maçonnerie se fait de la société, voilà le plan sur lequel elle veut la reconstituer. Si longtemps que cela ne sera point complètement réalisé, c'est à dire si longtemps que les individus prétendront conserver quelques droits, l'état social, tel que le contrat l'a fait, tel qu'il doit être, ne sera point jugé parfait ; l'état de nature, auquel le contrat a voulu mettre fin, subsistera en quelque chose. Le progrès, c'est donc la marche vers l'absorption complète de tous les droits par l'État ; plus de droit pour l'individu, plus de droits pour la famille, plus de droits à plus forte raison pour une société quelconque qui se formerait au sein de l'État, ou au dessus de lui.
Dans la société démocratique rêvée par la Franc-Maçonnerie, il n'y aura plus ou il ne doit plus y avoir que ces deux unités : l'individu et l'État. D'un côté l'État omnipotent, de l'autre, l'individu impuissant, désarmé, privé de toutes les libertés, puisqu'il ne peut rien sans la permission de l'État.
N'est-ce pas vers cela que nous marchons à grands pas ? Et cette conception de la société n'est-elle point l'explication, et, pour nos maçons, la justification de tout ce qui est actuellement fait ou tenté contre la liberté de l'Église, contre la liberté des associations, contre la liberté des familles, contre la liberté individuelle elle-même ? L'État ne peut, ne doit souffrir aucune association autre que ce qu'il est. Si des événements passés, si des individualités puissantes ont créé au sein de la société civile des associations distinctes, l'État doit travailler constamment à rétrécir le cercle dans lequel elles vivent et agissent jusqu'à ce qu'il soit parvenu à les absorber ou à les anéantir. Selon Rousseau, selon la maçonnerie, c'est là son droit, c'est là son devoir, droit et devoir qui découlent directement du contrat social, et sans l'exercice desquels ce contrat deviendrait illusoire et bientôt caduc.
Que l'on cesse donc de s'étonner que dans cette société sortie de la Révolution, pétrie de l'idée révolutionnaire, l'État veuille tout centraliser et tout absorber, étouffer toute initiative et paralyser toute vie : il obéit, en cela à sa loi, au principe d'après lequel il doit être tout, tout lui ayant été livré par le contrat initial. Ce qui vit, ce qui se meut, ce qui est en dehors de lui, ne l'est et ne le fait que par une usurpation dont il doit être rendu compte pour restitution.
Cette revendication doit s'exercer surtout à l'égard des associations, parce qu'elles sont plus puissantes que les individus, et surtout à l'égard des associations qui ont un idéal autre que celui de l'État naturaliste. Le pacte social a été contracté pour une plus complète jouissance des biens de ce monde. S'il est des sociétés formées dans le but de porter ailleurs le regard de l'homme, de l'exhorter à se détacher des biens présents pour ambitionnées et poursuivre d'autres biens, ces sociétés sont la contradiction vivante de la société sortie du contrat social, elles doivent disparaître avant toute autre. Le devoir est de les traquer, de les mutiler jusqu'à complet anéantissement. C'est là l'explication des calomnies répandues par les humanistes dans leurs écrits contre les religieux, et des persécutions sans cesse renouvelées contre eux depuis la Renaissance jusqu'à nos jours, comme aussi de la guerre à mort déclarée aujourd'hui à la première des sociétés religieuses, à celle qui est le fondement et le principe de vie de toutes les autres, à l'Église catholique.
On constate actuellement un mouvement de réaction contre l'état social institué en France par la Révolution. On institue partout des syndicats, on retourne aux corporations. Puisse ce mouvement aboutir à la restauration de la société dans son état normal ! Dans la société normalement organisée, il y a entre l'individu et l'État des sociétés intermédiaires qui encadrent les individus et qui par leur action naturelle maintiennent l'Etat dans le domaine qui lui appartient et l'empêchent d'en sortir. Ces sociétés se nomment : familles, corporations, communes, provinces, Églises. Que, dans ce régime, le plus faible des individus soit lésé par l'État ou par tout autre, aussitôt c'est son association, c'est toute une collectivité organisée qui se lève pour le défendre. Par elle, il est fort ; et parce qu'il est fort, il est libre.
la démocratie, c'est l'esclavage.
Mgr Henri Delassus - "La conjuration antichrétienne" (1910)
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