lundi 9 août 2021

De Giono à l'Agenda vert

Constat désabusé sur la sanctuarisation de la campagne de Haute Provence par trois courts textes écrits en 2014, 2018 et 2020

Autrefois plus peuplé qu'aujourd'hui, le département des Alpes-de-Haute-Provence était occupée par les hommes un peu partout sauf dans les hautes montagnes. Désormais, on estime que les hommes n'ont rien à y faire et je crains qu'on essaye de les entasser dans quelques endroits et d'ériger des interdits qui rendent tout vie impossible ailleurs.

Et quelques années avant la tyrannie Covid, j'avais déjà fait le constat de la fin programmée de la famille et de la convivialité. 


 Le lac de Ste Croix, né de la construction du barrage du même nom sur le Verdon, était comme dit ma fille, "blindé de monde" en été. Un lieu touristique fréquenté surtout par des familles et des jeunes, beaucoup d'Européens. Ayant vécu près de ses rives entre 2002 et 2009, j'ai constaté pendant cette période, une baisse drastique de sa fréquentation jusqu'à ce que, l'an dernier, j'ai eu la surprise de voir que l'une des rives où j'aimais me baigner étaient, en plein mois de juillet, quasiment vide de monde. Il faut dire que la municipalité des Salles sur Verdon avait eu l'idée de fermer complètement le chemin desservant ce lieu à la circulation empêchant les familles et les bandes d'amis de s'installer un peu partout le long de ce chemin. Fini donc les adultes discutant autour d'une table de camping ou jouant aux boules pendant que les enfants pataugent dans l'eau.

A la place, j'ai vu passer plusieurs "duos" d'hommes jeunes dont l'allure ne laissait aucun doute quant à la nature de leurs relations ! Jusqu'aux années 2000, ils avaient pu se réserver un petit périmètre mais en l'absence des familles et des bandes de jeunes, le périmètre s'est largement étendu ! Pour sa part, les rives proches du lac de Ste Croix restaient épargnées jusque là mais, en balade en moto dans le coin, mon compagnon a surpris involontairement un couple de lesbiennes faisant du "broute minou"....

Evidemment, les quelques plages aménagées avec locations de pédalo et campings gardent leur aspect touristique et familial mais il semble que le reste des jolies rives du lac de Ste Croix soient devenus un lieu de prédilection particulier... Les causes en sont la bêtise des acteurs du tourisme local, accueil peu amène et prix délirants, j'ai vécu dans le coin et peux vous dire que la mentalité générale est déplorable sauf exceptions. Globalement, le pouvoir d'achat est en baisse en France mais aussi en Europe, les Allemands, Hollandais, Belges.... ont laissé la place aux Chinois qui adorent photographier les champs de lavande au dessus du lac... et quand on aura torché le "marché des Chinois" il ne restera plus qu'à se tourner vers la planète Mars.

Sinon, l'autre raison est plus inquiétante : m'étant baladé récemment dans l'Hérault, le Tarn et le Puy-de-Dôme, j'ai constaté qu'on voit de plus en plus d'hommes jeunes, la trentaine, deux par deux et je ne sais pas si vous avez remarqué mais on ne voit quasiment plus de couples hétérosexuels s'embrassant ou se tenant par la main et Brassens ne pourrait plus écrire sa fameuse chanson sur les bancs publics...

Alors deux scénarios se profilent : soit la civilisation européenne s'effondre avec sa démographie, la société fait la promotion de toutes les turpitudes possibles (on ne va plus oser laisser sortir les enfants seuls même à l'âge du collège n'est-ce pas Madame Schiappa...) ou alors une révolution, un changement géopolitique majeur se produit et la France redevient traditionnelle et catholique.

Et on verra tous ces libertaires branchés, hype et "subversifs" venir à genoux dans les confessionnaux raconter à quel point ils ont péché et réciteront le rosaire.

En attendant, Lamartine peinerait à écrire son "Lac" au romantisme échevelé (et hétéro) et nous nous noyons dans les eaux glacées de notre société thanatophile...

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Moira Forest 8 août 2018




" Redortiers-le Contadour est une toute petite commune près de la montagne de Lure (environ de Banon-Forcalquier dans le 04).
Que des étendues de bois et de champs de lavande fine avec une vue qui s'étend très loin. Et éparpillées dans cette nature, des anciennes bergeries de pierre... Giono affectionnait cet endroit et je le comprend

Moira Forest, 8 août 2014

Tout cet espace a été fermé depuis cette année soi disant parce que des dégradations étaient faites par les randonneurs.
En fait, j'ai fait deux fois la promenade, en 2014 et en 2018. La première fois, je n'ai croisé personne, la deuxième, j'ai juste salué un petit groupe de randonneurs qui se reposaient tranquillement sous un arbre, et tout était propre. Ce sont des centaines d'hectares de prairies à moutons et de bois qui sont désormais interdits aux humains. Je me demande s'il ne s'agit pas de l'avancée de l'Agenda Vert où des terres autrefois habitées vont être rendues à la nature brute et les humains, considérés comme des virus à éradiquer, condamnés à se contenter de parcs de loisirs


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