vendredi 13 août 2021

La langue universelle et le baragouin mondial

 


" Pour maintenir l'humanité entière sous sa domination après l'avoir conquise, il ne suffit pas d'avoir abaissé, aboli les barrières qui séparaient les hommes en nationalités distinctes et en confession diverses et de l'avoir dotée d'une religion humanitaire et d'une république universelle ; il sera bon de lui avoir fait adopter un langage commun. 

De même que nous avons vu les travaux d'approche qui tendent à faire disparaître des cœurs les sentiments patriotiques et des esprits les dogmes révélés, nous assistons à un effort puissant pour créer une langue internationale. Et de même que la secte antichrétienne a obtenu que nombre de catholiques se fassent les propagateurs des Principes modernes qui, d'après les Juifs, sont les plus sûres garanties du présent et de l'avenir du judaïsme et les conditions les plus énergiquement vitales de son expansion et de son plus haut développement ; de même les inventeurs de l'Espéranto ont gagné nombre de catholiques et parmi eux plusieurs très influents qui se dévouent à faire adopter ce langage artificiel. 

Les premiers essais d'une langue universelle datent du XVIIe siècle. 

Presque simultanément Dalgarno en l'évêque anglican Wilkins écrivirent l'un l'Ars signorum (1664), l'autre le Mercury (1668).

Le but des auteurs était de créer une langue unique destinée à remplacer tous les idiomes de la terre par un autre mode d'expression des pensées humaines : chacun des signes dans chaque vocable devait représenter un concept.

 Depuis, furent publiés : la Langue universelle, de Letellier (1852) ; la Lingua universal, de Sotos Ochando (1854) ; le Solrésol, de Sudre (1866) - le Chabé (1886), de l'ingénieur Maldant ; le Spokil (1900), du docteur Nicolas.

Dès 1839, Schipfer, dans sa Communicationsprache, avait indiqué la similitude de nombreux vocables en diverses langues européennes et des formes morphologiques communes. L. de Rudelle publia à Bordeaux en 1859 une grammaire avec quelques exemples sous le nom de Pantos dimou-glossa ; et en 1881, le pasteur Schleyer, de Constance, donna le Volapuk : (langue universelle. Vol pour world, monde ; a, trait d'union ; puk, abréviation de speak, parler).

Aussitôt des journaux sont fondés, des cours établis, des Congrès réunis ; mais bientôt on s'aperçoit que facile par correspondance, l'instrument imparfait ne suffit plus oralement.

La plupart des adeptes découragés crurent à l'impossibilité de la solution du problème. 

Mais le docteur Liptay, dans son projet de Langue catholique démontra que la langue internationale existait à l'état latent et qu'il suffisait de la dégager des dictionnaires nationaux. Volk et Fuchs, en 1883, et Eichhorn, en 1886, publièrent chacun une Weltsprache ; Steiner sa Pasilingua (1885) et le Juif Zamenhof son Esperanto, d'autres firent d'autres essais. Tous ces systèmes partent des mêmes principes : simplification à outrance de la grammaire, qui successivement est réduite à une vingtaine de règles, et élaboration d'un dictionnaire à postériori, c'est-à-dire trouvé dans les langues nationales en recherchant le maximum d'internationalité de chaque mot.

Zamenhof, dans l'Espéranto, par un système de désarticulation des vocables et par l'attribution de sens précis à des affixes, apporta la méthode du maniement d'un vocabulaire très copieux avec un minimum de racines. Ce progrès contribue à la facilité d'acquisition mnémotechnique.

Au mois d'octobre 1907, un Comité se réunit au collège de France, étudia tous les projets, écouta les auteurs des divers systèmes et examina la situation.

Seul, l'Espéranto avait pris une extension assez grande, grâce à l'appui de la Société française de propagation, présidée par M. de Beaufront, auteur lui-même d'un projet : l'Adjuvanto, similaire à l'œuvre de Zamenhof, dont il fit le sacrifice. L'Espéranto possédait une littérature copieuse (un millier de traductions d'œuvres diverses, quelques originaux) ; ses partisans étaient au nombre de 100 à 200 mille ; en trois congrès (Boulogne, Genève, Cambridge), ils avaient fait la preuve que de nombreux individus de nationalités différentes s'étaient compris en parlant un langage artificiel ; par des centaines de cours en tout pays, par une vingtaine de journaux et revues, la vitalité de l'Espéranto était indéniable.

Un premier Congrès international des Espérantistes catholiques a été tenu à Paris du 30 mars au 3 avril 1910, à l'Institut catholique de Paris. Dix-huit délégués de diverses nations d'Europe et d'Amérique étaient présents ainsi qu'une nombreuse et enthousiaste assistance.

Ce congrès ne s'est point occupé de l'Espéranto en tant que langue, mais l'Espéranto a été la seule langue usitée pendant les séances. 

La principale question qui y a été traitée a été la réunion de tous les chrétiens dans un seul bercail sous l'unique Pasteur, successeur de Saint Pierre, vicaire de Jésus-Christ. On s'est aussi occupé des œuvres catholiques et des moyens de les fortifier en les rendant plus internationales au moyen de la langue commune. 

Les congressistes n'ont eu en vue que de mettre au service de la foi, ce nouvel instrument d'unification du genre humain.

Puissent-ils y réussir ! De bons esprits craignent le contraire.

L'un d'eux, M. Charles Vincent, a écrit :

"En pleine Babel moderne, des hommes rêvent de fonder une langue unique et universelle, reliant comme un peuple à travers les peuples. Un Juif, Zamenhof, est l'instigateur. "Celui qui espère crée l'espéranto." Serait-il précurseur ? - Lorsqu'on se déclare partisan de ce nouveau mode de communication, il est recommandé de se faire inscrire, de donner sa signature, de s'engager à porter les insignes. Serait-ce le prélude de la "marque" future ? Les adhérents se servent du papier, d'enveloppes et de timbres spéciaux. Ils émettent le vœu de traduire tous les livres classiques et autres, afin, disent-ils, qu'il ne soit plus nécessaire de recourir au texte original. - Est-ce que cela ne facilitera pas de nouvelles falsifications ? Ainsi agirent les Pharisiens jadis, vis-à-vis des Saintes Écritures, au retour de la captivité. - Enfin, ils ont l'étoile flamboyante de la Franc-Maçonnerie), et leur devise est : "Un peuple sans patrie." 

Un autre adversaire :

"Ce serait la langue de l'humanitarisme sans tradition, ce qui rentre bien dans le plan d'Israël. Chose digne d'attention. Il a été question d'instituer dans nos lycées un cours d'espéranto, - facultatif d'abord pour ne choquer personne. Les professeurs de l'enseignement secondaire qui se montraient partisans de cet "heureux progrès" étaient connus comme appartenant à la Juiverie ou à la maçonnerie, ou soupçonnés d'être de l'une ou de l'autre congrégation."

Un troisième :

"Il n'y a guère de doute que l'Espéranto soit une tentative judéo-maçonnique rentrant des les moyens employés par la secte pour préparer le nivellement des esprits et des nations. Entre beaucoup d'autres signes qui le donnent à penser; l'étoile maçonnique à cinq branches n'est-elle pas l'insigne préféré des Espérantistes ?"

M. Charles Vincent a conclu ainsi l'article ci-dessus :

"J'éprouve quelque embarras à me prononcer. D'une part je ne saurais mettre en doute la bonne foi des Espérantistes catholiques ; et le nom et l'autorité de Mgr Baudrillard m'empêchent de formuler une opinion définitive." Mais, hélas ! depuis quarante ans que je combats dans les rangs catholiques, je sais l'invraisemblable facilité qu'ils ont à s'ouvrir aux transfuges intéressés de l'ennemi, leur naïveté à écouter ceux qu'ils prennent pour les guides du progrès "moderne." Et il m'est impossible de blâmer la méfiance de ceux qui voient en ce mouvement "international" l'un des aspects de cette méthode de destruction que M. Maurice Talmeyr appelle si exactement "l'Art souterrain."

Mgr Henri Delassus, La conjuration antichrétienne. p 743 à 746 (éditions KontreKulture)



Plus de cent ans plus tard, il n y a que 100.00 locuteurs en espéranto + 2 à 3 millions de personnes qui l'auraient étudié, selon le site lingvo.info. A l'échelle de la planète, c'est vraiment peu. On peut donc parler d'échec.

Pour expliquer cet échec, Le Monde utilise des explications un peu "spécieuses" 



A l'écoute, cette langue créée de toute pièce ressemble, à mon avis, à de l'occitan parlé par des androïdes. Elle n'a pas d'âme. Il est impossible selon moi d'apprendre une langue qui n'est pas issue d'un peuple et d'une culture. On ne peut tout simplement pas apprendre une langue sans se représenter les gens qui la parlent : leur culture, leurs coutumes ou les paysages dans lesquels ils vivent. Un apprentissage approfondi d'une langue passe inévitablement par sa littérature donc l'âme de ceux qui la parle... 

Mais ou voulait en venir Zamenof ? N'as-t-on pas encore là l'ambition de reconstruire la tour de Babel ?

" La suppression des frontières et le mélange des peuples sont un idéal à atteindre, mais la société ouverte ne sera viable qu’à la condition d’annihiler les instincts de race et les particularismes locaux. Les races pures doivent être mélangées afin de dissoudre les sentiments identitaires, susceptibles d’engendrer des résurgences de nationalisme. Les langues elles-mêmes devraient disparaître au profit d’une langue commune. C’était déjà toute l’ambition d’un homme comme Louis Lazare Zamenhof. Jeune lycéen de la bourgeoisie polonaise cultivée, il s’était consacré très tôt à travailler à l’élaboration d’une langue comprise par tous, à partir des racines courantes des langues les plus répandues. Ce travail aboutira à la publication, en 1887, de l’ouvrage capital fondant l’Espéranto, Fundamento de Esperanto. Zamenhof s’y expliquait : "Les hommes sont égaux : ce sont des créatures de la même espèce. Ils ont tous un cœur, un cerveau, des organes générateurs, un idéal et des besoins ; seules la langue et la nationalité les différencient… Si je n’étais pas un Juif du ghetto, l’idée d’unir l’humanité ou bien ne m’aurait pas effleuré l’esprit, ou bien ne m’aurait pas obsédé si obstinément pendant toute ma vie. Personne ne peut ressentir la nécessité d’une langue humainement neutre et anationale aussi fort qu’un Juif qui a des compagnons de souffrance sur toute la terre avec lesquels il ne peut se comprendre. Ma judéité a été la cause principale pour laquelle, dès la plus tendre enfance, je me suis voué à une idée et à un rêve essentiel, au rêve d’unir l’humanité."

Hervé Ryssen - Les espérances planétariennes (2006)

Trouvé ici : https://gerimunin.blogspot.com/2010/11/le-metissage-planetaire.html

L'utopie de Zamenhof semble être un échec si l'on juge le nombre de locuteurs en espéranto à l'échelle du monde. Et il est possible qu'à la suite de son échec, il ait été décidé que la langue universelle soit l'anglais. Le choix de cette langue s'est fait bien sûr, à cause de la prééminence culturelle et économique des États-Unis à l'époque mais aussi de l'Empire britannique, dont la puissance avait fortement contribué à l'expansion de la langue anglaise. Mais comme je l'ai expliqué ici il y a plusieurs années, cet "anglais" devient de plus en plus une sorte de baragouin pour les "Epsilon", cette sous-classe d'humains chargés des basses besognes dans le roman Le meilleur des mondes. On est très loin des œuvres de Shakespeare, Wilde ou Chesterton et même de l'Anglais d'un anglophone natif bien éduqué.

Fait peu connu en France, les Anglophones eux-mêmes se plaignent de la baisse du niveau de leur langue comme absolument partout mais sans doute ne se rendent-ils pas compte à quel point leur langue est imposée dans le monde entier parallèlement à la baisse du niveau scolaire et nos amis anglophones devraient faire plus d'effort à apprendre les grandes langues du monde ce qui commencerait à résoudre le problème car le Globish est une menace pour les langues et les cultures du monde (il suffit de lire certains commentaires en "français" sur les réseaux sociaux). Et il est possible que les Anglophones soient eux-mêmes soient condamnés, si rien n'est fait, à parler un jour le baragouin mondial. 



On parle par exemple de "Chinglish" pour désigner le "baragouin" parlé par les Chinois, une sorte de "franglais" asiatique.... L'anglais incompréhensible et parfois savoureux du Chinglish révèle la difficulté à apprendre l'anglais pour un Chinois, le phénomène du tourisme de masse mais aussi le fossé culturel qui sépare les deux cultures. 




La généralisation et la mondialisation de l'Anglais est bien sûr un échec mais il est fort possible que le vrai but du mondialisme ne soit pas une humanité parlant anglais, mais plutôt jargonnant le baragouin mondial, un language primitif avec des traces d'anglais dedans. S'achemine-t-on vers une humanité non seulement pucée et surveillée en permanence via les smartphones mais également parlant une langue universelle pauvre et sommaire qui empêche tout raisonnement ?



Pour parler globish : maintenez des phrases courtes, répétez la même chose, éviter les métaphores et les expressions colorées, évitez les questions négatives, évitez tout humour, utiliser des gestes et des aides visuelles. 



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