samedi 26 mai 2018

La maison battue par les vents (Windswept House) - Jean-Paul II


   Quand j'étais enfant (c'était sous le pontificat de Paul VI), je croyais que le Pape c'était un vieux monsieur qui restait à prier dans son palais ou écrivait à la plume des textes sur un vieux grimoire. Bref, j'avais une vision très médiévale de la fonction pontificale.

  Celui de Jean-Paul II a coïncidé entièrement avec ma période de retrait hors du catholicisme et de la foi mais j'ai été intriguée au début par le nombre impressionnant de voyages que ce personnage faisait et surtout les mises-en-scènes parfaitement réglées dans lesquels, arrivés sur la terre ferme après un long voyage, il effectuait un baiser agenouillé sur le sol... 

   Ce n'est pas que je l'aimais pas et avait été choquée qu'on ait tenté de l'assassiner mais l'image de ces embrassades sur le sol des pays visités ne m'a jamais vraiment enchanté. Puis, j'appris que ces déplacements étaient l'occasion d'avoir des foules impressionnantes. Il a par exemple attiré un tiers de la population de la République d'Irlande, soit 1,25 millions de personnes lors d'une messe à Dublin en 1979. Les médias ont toujours été de son côté y compris lors de son décès et France Inter faisait irrésistiblement penser à un média catholique à ce moment-là. Il n y avait que lorsque Jean-Paul II s'exprimait au sujet de l'avortement, de la contraception ou de la chasteté que les journalistes tendaient à se crisper. C'est pourtant les seuls sujets, si l'on en croit "la maison battue par les vents" qu'ils traitait de façon catholique. 

   Ce n'est que plus tard, bien plus tard, que j'ai compris que, sous son pontificat, le dérèglement et la dilution de l'Eglise catholique avait battu son plein. D'ailleurs, Jean-Paul II n'a-t-il pas remplacé un autre Pape, celui des 33 jours et morts dans des conditions mystérieuses...?



Jean-Paul II à son arrivée au Gabon en 1981



Ici, Malachi Martin, décrit le "pape slave" d'une façon subtile : via les réflexions d'Appleyard, l'un des personnages occultes essayant d'influencer le Pape et son entourage. Je connais des gens qui détestent ce pape qu'ils accusent d'avoir trop embrassé - c'est peut-être le sens des scènes d'embrassades de contrées plus ou moins lointaines - l'idéologie mondialiste et d'avoir mis toutes les religions du monde sur un même plan. Mais tout au long du livre, on sent que l'auteur essaye de nous montrer un personnage avant tout ambigu, très intelligent, cultivé et persuadé du bien-fondé de son action. On est donc très loin d'une caricature.



Jean-Paul II embrassant un exemplaire du Coran. Doit-on faire ce genre de démonstration pour montrer que l'on est tolérant ?





Page 341à 343 JEAN-PAUL II

   Mais Appleyard avait réussi à se faire une idée plus précise du Pape Slave. On ne pouvait nier que le Souverain Pontife fût un homme de haute culture, un intellectuel d'envergure inhabituelle. C'était un dirigeant moderne, aussi expérimenté que tout chef d'Etat séculier. Certains signes indiquaient même qu'il avait franchi une certaine distance dans le vide sidéral entre l'attachement irrationnel à des croyances primitives et la terre ferme de la raison humaine.

   L'ennui est qu'il existait aussi, à propos de ce Pape, des contradictions qui emplissaient Gib de perplexité. Il trouva par exemple des preuves documentées que le Pape Slave percevait toutes les religions comme de véritables boulevards conduisant au salut spirituel. Même des choses telles que le vaudou africain l'animisme papou et le millénarisme des Témoins de Jéhovah avaient droit de cité dans le ministère du Pape. Mais aux yeux de l'Américain, l'aspect pratique des choses tenait au fait que le Souverain Pontife ne semblait nullement insister pour que tous les hommes et toutes les femmes devinssent des Catholiques romains.

   Du côté des choses temporelles, il apparaissait que le Pape slave était très en avance sur tous les partisans du Monde Unifié, tous les « Bilderbergers », tous les adeptes du New Age. Ce qui indiquait son avance également sur le plan « Global 2000 » de Jimmy Carter et du Club de Rome.

   Néanmoins, Appleyard trouva dans les écrits publiés du Pape maintes preuves des divergences absolument radicales qui avaient mis l'Eglise en opposition frontale avec la Loge durant l'époque moderne ; et avec la politique américaine également. Certes, comme la Loge – et comme d'ailleurs l'Eglise elle-même tout au long de son histoire -, le Pape refusait de reconnaître les moindres frontières territoriales, ethniques ou culturelles. Universaliste par essence même, le Souverain Pontife englobait toutes les terres, toutes les nations et tous les individus dans ses ambitions pastorales. Il maintenait la prétention de son Eglise à être transcendante. A être capable de nourrir et de faire croire la nature spirituelle et morale de l'humanité. A être la première et la plus apte à enseigner aux hommes comment vivre ensemble, élaborer des valeurs spirituelles et éthiques et, ainsi, établir la paix sur terre en vue de prospérer. Cela, le Pape le partageait avec la Loge. Mais en examinant bien les écrits et les discours du Pape, Appleyard tomba sur une profonde divergence qui éclipsait tous les points communs entre les deux parties.

   Le Pontife revenait sans cesse sur le but poursuivi par l'Eglise catholique romaine d'atteindre un objectif qui, non seulement se distinguait de la nature humaine comme des capacités naturelles de l'être humain mais leur était supérieur. Il présentait encore et toujours cet objectif comme étant la vie surnaturelle de l'âme, qui ne s'obtient en fin de compte que lorsque vient la mort physique et que l'individu est transporté dans une autre dimension par un acte gratuit de Dieu. Telle était la surnature à laquelle aspiraient les Catholiques romains – aspiration partagée par ce Pape, semblait-il et qui ne cadrait pas avec l'idéal maçonnique moderne consistant à perfectionner la nature de l'homme dans les limites observables et atteignables du cosmos.

   L'une des nombreuses raisons pour lesquelles Appleyard appréciait la franc-maçonnerie – et aussi le mode de vie maçonnique – était la beauté humaine de sa pensée et de son langage. La maçonnerie n'était pas un système métaphysique. Pas un dogme. Pas la révélation mystique définitive d'une vérité unique et inchangeable. C' était un mode de vie par lequel l'individu était initié aux instruments symboliques qui lui étaient indispensables pour se perfectionner constamment dans la recherche et l'identification de la Suprême Intelligence présente derrière la façade du cosmos.

   Par contraste, et en dépit de toute la beauté comme du merveilleux humanisme de sa tradition, le Catholicisme romain s'accrochait – au point d'en dépendre – à des tendances discordantes qui n'existaient pas dans la franc-maçonnerie. Il y avait ce bébé frissonnant dans une mangeoire en compagnie de ses parents indigents et sans abri. Il y avait cette Croix portant un homme tordu de souffrance et mourant dans son sang. Il y avait ce Christ ressuscité qui, enveloppé d'un halo d'or, disparaissait derrière les nuées. Et il y avait ce dogme absolutiste concernant ce que les amis les plus vulgaires d'Appleyard appelaient « pie in the sky when we die ».

   De son côté, Appleyard ne s'exprimait ni ne pensait jamais en des termes aussi facétieux, car son empathie ne lui permettait pas d'user d'une telle dérision. Mais il savait que l'esprit maçonnique était simplement plus logique. C'était cette confiance rationnelle, calme, lucide en la création par l'homme d'une société des nations pacifique, juste et fraternelle qui conférait à la franc-maçonnerie sa beauté et son charme humaniste. Même lorsqu'il traitait des nécessites et exigences les plus austères de la politique américaine, Gib ne perdait jamais de vue l'idéal du Temple .Et il était toujours resté fidèle au serment solennel qu'il avait prononcé – une vingtaine d'années auparavant -n en accédant au trentième degré de la Maçonnerie Ecossaise, le grade de Chevalier Kadosh. Le serment d' "observer strictement les Statuts et Directives de ce Redoutable Tribunal (...) que je reconnais par la présente déclaration comme étant mon Juge Suprême. »

   Il était primordial pour Appleyard, en tant qu'être humain et que franc-maçon, de découvrir ce qui apparaissait dans les écrits du Pape slave comme une attitude apparentée à celle de la maçonnerie. Il y avait, chez cet homme-là, une dimension qui cliquetait aussi agréablement, dans l'esprit d'Appleyard, que le parfait fonctionnement d'une serrure à gorges. Il y avait chez lui une pureté de perspective et un dévouement à la cause que Gib ne percevait chez aucun autre dirigeant au monde.

   Ce qui était à la fois surprenant et émouvant pour quelqu'un d'aussi idéaliste qu'Appleyard, c'était le constant intérêt professionnel du Pape slave non seulement pour la stratégie géopolitique, mais aussi pour les nécessités stratégiques de l'existence. Ce Pontife s'intéressait à tout. Aux bizarreries de la politique agricole. Aux responsabilités et aux valeurs de la société démocratique. A l'irresponsabilité scientifique, au droit à l'eau, aux syndicats, au logement, aux soins médicaux, à la génétique, à l'astrophysique, à l'athlétisme, à l'opéra. La force d'impact qu'il mettait dans ses paroles pour les adapter aux cultures respectives de quelque quatre-vingt nations avait quelque chose d'admirable.

   Appleyard se sentait si impressionné à l'approche de son départ pour Rome qu'il dut se rappeler qu'en l'absence de raisons d'Etat suffisamment valables, il serait hors de question, sans sa conversation avec le Saint-Père d'aborder la question de la réunion anti-papale de Strasbourg. Il se demandait cependant, malgré lui, comme les prélats qu'il y avait rencontré réussissaient à ne pas remarquer quel immense dirigeant ils avaient en la personne de ce Pape. Et il ne pouvait s'empêcher d'anticiper de la manière la plus positive sur sa rencontre avec le Souverain Pontife."


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés